Exil, migrants et Saint-Père (2)

Réflexions aux différents propos du Saint-Père concernant les migrants

Les migrants qui arrivent de nos jours en Europe ne fuient pas tous une situation catastrophique. Ils arrivent souvent en brandissant de grands sourires. Ils ne semblent pas tous miséreux. Ils ne montrent aucune nostalgie de leur pays et arrivent en nombre pour retrouver un autre nombre. La mélancolie est absente, car compensée par le communautarisme qu’ils importent et qu’ils retrouvent. Enfin, ils voyagent en célibataires, sans femmes ni enfants, ce qui devrait intriguer. Pour le moins. Qu’il y ait une volonté derrière cela paraît évident, même si l’étiquette complotiste sera brandie à cette phrase. Les migrants à l’ancienne, quittait une situation défavorable pour trouver non pas le confort, mais plutôt pour échapper à l’enfer, sans être sûrs de trouver un réconfort, mais armés de l’espérance comme je l’ai dit plus haut. Ils partaient avec femmes et enfants, car ils voulaient les protéger. Le sentiment national a disparu de chez les migrants modernes, sont-ils a-nationaux ? Si c’est le cas, qu’est-ce qui pourrait les rendre a-nationaux, une supra-nationalité ? Où trouvent-ils l’argent pour faire la traversée ? Pendant la guerre en Irak, des autorités religieuses chrétiennes avaient noté que des passeports et des visas avaient été largement distribués, là où, avant-guerre, il était extrêmement difficile d’en avoir un. Enfin que la majorité de ses migrants soient musulmans devrait aussi interroger. Quand on sait qu’un musulman doit mourir (et donc vivre) sur une terre musulmane, on ne peut que se poser la question de leur manque d’envie de rejoindre une terre musulmane. D’autant que celles-ci sont souvent bien plus proches géographiquement que l’Europe. Autant de questions que le pape François ne pose jamais. Autant de questions qui semblent pourtant tomber sous le sens.

Exil, migrants et Saint-Père

Il suffit d’écouter la musique envoûtante de quelques tangos, Carlos Gardel, bien sûr, Astor Piazzolla aussi, et d’autres, qui ont ainsi chanté l’exil, le lointain, l’inaccessible, pour chasser leurs vagues à l’âme, leur mélancolie et vivre le temps d’une chanson dans le bonheur conjugué de leurs souvenirs et de leurs espoirs, pour ressentir la détresse de celui qui croit avoir perdu son pays pour toujours.

Cette conjugaison s’intitule l’espérance. Là où l’âme vibre de se sentir vivante. Le pape François en bon Argentin ressent dans ses veines la migration de ses aïeux vers cet eldorado, l’Argentine. Que cela modifie sa vision du migrant, dont le nom trop générique indique dès le début la difficulté d’en parler, est indéniable et s’avère une clef pour comprendre ses discours erratiques sur le sujet.

L’exil force l’âme à se dévoiler, et à voiler. À dévoiler certaines choses en soi que l’on ne savait pas, que l’on ignorait, que l’on gardait cachées par peur de ce qu’elles pouvaient receler. Face à l’exil, elles sortent de soi comme de rien, deviennent ce qu’elles ont toujours été, et nous dominent. Quel mérite forgé par l’exil en nous, souvent malgré nous, car nous nous y refusions ! L’exil fait tomber une barrière souvent érigée dans l’urgence et sans véritables réflexions. L’homme est un animal à réaction. Lorsqu’il évolue dans son élément habituel, il réagit le plus souvent à ses propres démons, des ressentiments et des mouvements d’humeur. Lorsqu’il sort de son cocon, il réagit pour survivre s’appuyant sur ce en quoi il croit, souvent le fruit de sa culture, mais sa nature n’y est pas étrangère non plus. Cet enracinement le préserve la plupart du temps de la déception de soi, mais pas de la mélancolie, le mal du pays.

L’expression, les voyages forment la jeunesse, provient de cette expérience. L’exil oblige le cœur, l’esprit et le corps à communiquer différemment avec l’âme qui se dévoile donc, mais qui demande aussi à voiler des pans de notre personnalité qu’elle tenait pour acquis. Quelquefois, ce sont des pans dévoilés qui viennent voiler d’autres pans. Ce que nous croyons se révèle surestimé.

En exil, même les certitudes apparaissent nouvelles.