Il existe une nostalgie d’un paradis perdu. Nous la ressentons tous, plus ou moins ; elle nous rattache au Péché originel et à la chute. Cette maladie tourmente les âmes pures. Elle gite et agite. Maladie de la jeunesse s’il en est, folie romantique, cette nostalgie est au cœur du roman de Sébastien de Courtois, L’ami des beaux jours.
Un jour des années 90, nous marchions dans la rue, nous sortions de l’hôtel des Saints-Pères, et Alvaro Mutis1 s’arrêta net. Nous étions presque au coin de la rue de Grenelle, et il me dit : « Emmanuel, j’ai l’impression que nous avons marché ainsi ensemble il y a bien longtemps dans une rue de Cadix. Et nous tenions la même discussion. » J’avoue ne plus me souvenir de nos propos. Je suis certain que si Alvaro Mutis était encore de ce monde, lui s’en souviendrait.
Alvaro Mutis entretenait une relation particulière à la vie. Il vivait en maniant le souvenir et la réalité immédiate. Il posait toujours un pied dans l’un et un pied dans l’autre. Chez lui, ces deux mondes ne se quittaient pas, ils se trouvaient proches, allaient de conserve, comme des siamois, comme une vie à sens unique, pour le meilleur. Alvaro Mutis vivait sa vie et d’autres vies, des vies qu’il avait vécues auparavant, ou qu’il vivrait plus tard. Alvaro Mutis vivait surtout, à tout moment, accompagné d’un jeune garçon, cet encore enfant s’appelait Alvarito, il était de tous nos rendez-vous. Carmen, l’épouse d’Alvaro, acceptait sa présence même si ce n’était pas son fils. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme Alvaro Mutis. Je veux dire que la présence de lui, sa présence enfant à côté du même adulte d’un âge certain avait quelque chose de terrifiant et d’intrigant. Je le lui ai dit souvent. Je lui ai dit que Bernanos, qu’il affectionnait, devait aussi vivre ainsi avec la rémanence incarnée de soi jeune à ses côtés.
Je viens ici raconter ce que je connais d’Alvaro Mutis, de Maqroll el Gaviero et de quelques autres… Ces dernières années ont été lentes et longues. Nous correspondions beaucoup moins. Il n’écrivait plus. Il n’écrivait plus depuis si longtemps. Les tremblements avaient pris le pas. Une certaine vacuité aussi. Tout était voué à disparaître comme la souche de l’arbre mort disparu en une semaine dans la fournaise humide de l’Amsud. Tout devait passer, et ce spectacle de la vie en action n’aura cessé d’émerveiller Alvaro Mutis tout au long des quatre-vingt-dix années qu’il a passées sur cette terre.
Sur une année qui finit, on jette souvent un regard furtif. Ne pas trop s’attarder. On ne sait jamais combien de choses dont on s’est forcé à enfouir le souvenir pourraient à nouveau apparaître, à l’instar de ces fenêtres “pop up” impromptues, malpolies et irritantes sur Internet. L’exercice que l’on peut réaliser est de se concentrer très fortement pour extraire les événements importants ; les événements qui permettront de comprendre pourquoi ils ont tellement compté ; en quoi ils se sont révélés déterminants. Il est aussi important de ne pas perdre de vue le moment où l’événement apparaît.
Un ami m’a contacté pour me demander la citation exacte de Ernst Jünger (tirée d’Orages d’acier) que nous aimions à répéter entre officiers du 2ème régiment étranger d’infanterie. Je l’inscris sur ce blogue comme je me souviens que le général Antoine Lecerf affectionnait cette citation et qu’elle lui va comme un gant :
Il nous a été donné de vivre dans les rayons invisibles de grands sentiments, cela demeurera notre inestimable privilège.
En relisant des notes prises il y a des années pendant la lecture du Retour du tragique de Jean-Marie Domenach, je me souviens de notre rencontre. Je le vois arrivant dans mon petit studio de la Fourche, me demandant un verre de vin et moi, commençant à lui expliquer par le menu l’orientation que je voulais donner à notre entretien. Et lui me regardant avec des yeux ronds, s’arrondissant encore, et soudainement me lançant enthousiasmé : “Mais vous avez lu mes livres… Je n’ai pas l’habitude de rencontrer des journalistes qui ont lu mes livres”.
Cette rencontre restera comme l’une des très belles rencontres que j’ai réalisées en tant que journaliste. Nous discuterons plus de deux heures de morale et de moralisme, de Saint-Just et de Nietzsche. De Dieu aussi. De Dieu surtout.
La vie de Diego Armando Maradona est un conte. Parce que Maradona est toujours resté un enfant. C’est donc un conte pour enfant et comme tel il est édifiant. Il faut dire à tous ceux qui disent que Maradona ne se montra pas assez exemplaire pour un sportif de cet acabit qu’ils ont tort. C’est la plus grande histoire exemplaire moderne. Elle doit être racontée encore et encore.
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