Le sens… des funérailles

Le monde con­tem­po­rain s’émoustille en util­isant la for­mule, faire sens, par­faite tra­duc­tion de l’expression anglo-sax­onne, make sense. Il est récon­for­t­ant de se répéter cette expres­sion sans que cela ait en vérité de… sens, on ramasse ainsi de petites choses qui font sens, mais que sont ces mini-sens trou­vés sur le sol presque par hasard ? Que sont ces sens peau de cha­grin qui s’invitent sans qu’on n’y soit pour rien ou presque sinon les résidus d’un sens passé, d’un sens com­mun, d’un bon sens sculpté par les siè­cles ? À tra­vers la destruc­tion méthodique de la famille, la trans­mis­sion entre les généra­tions fait défaut, le sens de nos actes se perd, il faut donc inven­ter du sens, il faut fab­ri­quer du sens, il faut se don­ner l’illusion de vivre encore, de n’avoir pas abdiqué. La supercherie s’adosse à l’ignorance, et sur ce point aussi, la filouterie ne date pas d’un jour. Le sens donné par la mort au sein de la famille, ce sens presque totale­ment oublié de nos jours, est rap­pelé par Antigone dans la pièce de Sopho­cle où elle se dresse comme une gar­di­enne des valeurs qui libèrent, car elles pro­tè­gent l’homme de l’animal. Antigone réaf­firme ce que l’homme peut et ne peut pas ; elle s’empare d’une force des­tinée à nous pro­téger de notre volonté de puis­sance et à nous appren­dre le temps des respon­s­abil­ités ; un temps de nos jours con­fié à des spé­cial­istes rem­plaçant de la famille, des per­son­nes qui la com­posent, et des liens ténus tis­sés entre elles par le temps.


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