Rencontre mondaine au Vatican

Rosaire ©James Coleman

En lisant la lettre du Vatican réalisée par Imedia après la visite de Françoise Nyssen avec le Pape François1 .

C’est toujours une surprise de découvrir, comme ce matin, un entretien avec une personne connue ou non, représentative de notre époque, avouant que sa rencontre avec le pape François a été l’un des moments les plus marquants de sa vie, mais n’en tirant aucune action. Comme si ce rendez-vous devait être un moment parmi tant d’autres dans l’océan des souvenirs.

La perte de foi enracinée dans l’homme moderne par la confort

On voit ainsi des gens touchés par la grâce dans leur quotidien, savourer une rencontre, un moment, sentir que cette rencontre ou ce moment ne leur appartient en rien mais qu’ils peuvent en jouir, intuitionnant qu’il vient d’un abandon provoqué par les aléas de la vie, éprouvant la force qui émane de cette rencontre ou de ce moment, tout en n’en tirant aucune action. Ils déclarent : « c’est le plus beau moment de ma vie ! » et ne feront jamais rien pour le reproduire ou pour essayer de comprendre ce qui l’a provoqué ! Cela reste un mystère impénétrable, cette inaction incarne la passivité de l’homme moderne face à sa vie et le peu de foi qu’il porte à sa capacité à la transformer. Cette perte de foi est maintenant enracinée en l’homme moderne occidental, c’est ainsi qu’il va se battre pour des pelures d’orange et passer complètement à côté de l’essentiel. François Nyssen avoue à la fin de l’entretien : « Moi-même je ne suis pas baptisée, mais en sortant, j’ai promis au pape que je prierai pour lui ». Qu’est-ce à dire ? La confusion est totale.

Combien de divans s’avachissent sous le poids des mots ou des silences qui s’agglomèrent dans le seul espoir d’étouffer l’âme ?

Il manque deux choses pour que l’alchimie se fasse. Primo, l’éducation à la vie intérieure. Françoise Nyssen n’est pas baptisée. Elle s’intéresse à la religion puisqu’elle demande une audience au Pape et publie le cher Sébastien Lapaque… De plus, elle a toujours vécu dans les livres, elle connaît donc l’intériorité et la puissance de cette autre vie. Pourtant, rien en elle ne confirme ce sentiment. Elle le regarde comme extérieur à elle, comme quelque chose d’étranger, comme un exotisme, serait-on tenté de dire. Un exotisme attrayant, au fort pouvoir de « séduction » (ou de nostalgie ?), mais pas suffisamment pour tout changer et pour y adhérer. Elle ne ressent pas le manque en elle, même si elle voit très bien l’intérêt de la chose. Elle est repue. Repensons à la phrase d’Ernst Jünger dans « Le Traité du rebelle2 » : « Tout confort se paie. La condition d’animal domestique entraîne celle de bêtes de boucherie. » Nous n’avons plus soif de nous découvrir, car nous sommes pleins de nous-mêmes. Le passage de la psychanalyse dans le monde moderne et la place qu’elle a prise remplaçant sacrement, pénitence et vie intérieure marque une stérilisation de notre être profond et des messages que notre âme énonce de plus en plus sporadiquement. Combien de divans s’avachissent sous le poids des mots ou des silences qui s’agglomèrent dans le seul espoir d’étouffer l’âme ? Elle-même n’en voit plus l’utilité, parce qu’elle ne ressent plus d’amour qui, lorsqu’il s’exprime de nos jours, se voit transformé en  intérêt  ou en curiosité… Nous sommes spectateurs de notre vie. Nous y assistons impuissants et lâches. Tout le message du Christ nous incite à l’inverse, à retourner la table pour être libres. Oh ! Il savait bien que nous continuerions à être faibles, cependant imaginait-Il que nous le serions avec tant d’abnégation , avec autant de dévotion ?

Les hommes ont-ils toujours soifs de Dieu ?

Il manque donc la quête, la soif, le désir tout simplement. Et l’entretien de François Nyssen en est vide. Elle suggère bien de faire la cuisine dans l’avion du Pape, mais de vie intérieure il n’en est pas question. Elle ne veut pas changer quand bien même voit-elle les effets dans les livres de Lapaque, dans les yeux du pape, ou ailleurs, avec fugacité quand l’âme se déplie et pousse un peu les meubles intérieurs pour signifier sa présence. Non, elle ne changera pas car elle aime ce qu’elle est et qu’elle n’a pas soif, même si elle voit des gens qu’elle apprécie s’y abreuver, et enfin parce qu’elle ne croit pas que cela puisse changer quelque chose à sa vie ! Et c’est là le plus grave ! Ce péché contre l’Esprit ! Deuxio, que personne ne lui propose d’y boire ! Le pape François veut, il l’a maintes fois répété et montré, ne forcer personne et respecter tout le monde sur le chemin de la foi. Même pas un petit encouragement ? J’ai entendu il y a quelque temps un historien et théologien, expliqué que lors de la rencontre entre saint François d’Assise et le sultan d’Égypte, sultan Al-Malik al-Kamil, « nous n’étions pas sûrs que le saint ait demandé au sultan sa conversion ». Pour un peu, on nous ferait croire qu’il a pris le risque d’aller le voir pour lui parler des paysages d’Assise… Il faut vivre au XXIe siècle pour entendre de telles inepties ! Pire, y porter crédit. La foi s’affiche mondaine, elle aussi, et il faudra bien se rendre compte qu’elle a adhéré de tous ses pores à la vie moderne et que rien n’a été fait pour l’en empêcher bien au contraire ; elle se noie dans le confort et la condition d’outil domestique pouvant de temps à autre rendre service… On ne sait jamais… C’est dans le vieux pots, parait-il.

La virilité de l’inconfort comme seul refuge

Deux manques pour une non-rencontre : le manque d’éducation à rechercher Dieu en toutes choses et celui de ne plus proclamer Sa parole. Le cinquième mystère joyeux à travers le recouvrement de Jésus au temple, et le troisième mystère lumineux, la proclamation du Royaume de Dieu. Réciter le rosaire chaque jour de sa vie se compare à l’enluminure du manuscrit médiéval, on ne peut plus l’en imaginer dépourvu après avoir tourné une de ses pages. Il aurait été intéressant d’offrir un chapelet à Françoise Nyssen et de l’instruire sur son utilisation et de l’inviter à le réciter. Si elle ne ramène pas à Dieu, toute parole est mondaine. « Moi-même je ne suis pas baptisée, mais en sortant, j’ai promis au Pape que je prierai pour lui. » Voici l’exemple même d’une parole mondaine et déliquescente. Priez, mais qui ? De grands saints l’ont souvent répété : « Si vous priez sans nommer Dieu, sans être certain de vous adresser à Dieu, vous priez le démon. » Or, le démon est mondain. Il est même l’inventeur du concept. Dans ce monde soyeux, seule la virilité de l’inconfort recèle la liberté, elle vaut pour chacun, homme ou femme, c’est l’ultime moyen d’atteindre et de se montrer digne de l’amour de Dieu.

  1. L’ancienne ministre Françoise Nyssen témoigne de son dialogue avec le pape François, « un homme passionné par la littérature ». « Françoise Nyssen, ancienne ministre de la Culture au début de la présidence d’Emmanuel Macron (2017-2018) et ancienne dirigeante des éditions Actes Sud, a été reçue par le pape François le 24 août 2024. » https://imedia.news/lancienne-ministre-francoise-nyssen-temoigne-de-son-dialogue-avec-le-pape-francois-un-homme-passionne-par-la-litterature-erratum/
  2. L’extrait complet du Traité du Rebelle : « Au fond, tyrannie et liberté ne peuvent s’examiner séparément, bien qu’elles se succèdent l’une à l’autre dans le temps. On peut certes dire que la tyrannie suspend et anéantit la liberté et, pourtant, la tyrannie ne peut devenir possible que là où la liberté s’est domestiquée et évanouie, ne laissant que sa notion vide. L’homme tend à s’en remettre à l’appareil ou à lui céder la place, là même où il devrait puiser dans son propre fonds. C’est manquer d’imagination. Il faut qu’il connaisse les points où il ne saurait trafiquer de sa liberté souveraine. Tant que l’ordre régnera, l’eau coulera dans les conduits et le courant viendra jusqu’aux prises. Si la vie et la propriété sont menacées, un appel mettra en mouvement, comme par magie, les pompiers et la police. Le grand danger est que l’homme ne se fie que trop à ces auxiliaires et que leur absence ne le paralyse. Tout confort se paie. La condition d’animal domestique entraîne celle de bête de boucherie. Les catastrophes éprouvent à quelle profondeur hommes et peuples demeurent enracinés dans leurs origines. Qu’une racine, du moins, puise directement au sol nourricier – la santé et les chances de survie en dépendent, alors même que la civilisation et ses assurances ont disparu. On le voit bien dans les périodes d’extrême danger, où les appareils, non contents de refuser à l’homme leur concours, l’acculent à une situation qui paraît sans issue. Tel est le moment où il lui faut décider s’il s’avoue vaincu, ou s’il poursuit la partie, armé de sa force la plus secrète et la plus personnelle. Dans ce dernier cas, il résout d’avoir recours aux forêts. »

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2 commentaires sur « Rencontre mondaine au Vatican »

  1. Vanités Vanitatum, Ces bobos de gauche qui rencontrent le Pape pour leur com. Et comme le Pape François est un addict des médias, de toute sa clique qu’il emmène dans son petit avion, une photo, un article sur lui, d’une femme de lettres, ancienne ministre, quelle merveille!
    Il lui faudrait bien une remontrance du Bon Dieu, comme dans Don Camilo où Dieu lui fait la leçon d’humilité.
    Quant à l’ancienne ministre, comme le jeune homme riche, elle est repartie toute seule.

    1. La technique de l’enfouissement a en effet largement montré ses limites. Et venant du pape lui-même cela semble incongru. La comparaison avec le jeune homme riche est adéquate. Au moins ressentons une déception chez le jeune homme riche alors que Nyssen en sort guillerette. « Nous irons tous au Paradis, n’est-ce pas ? ». Il y a dans ce monde moderne beaucoup trop d’empathie et pas assez de compassion.

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