De la tradition…

« Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants ; nous voyons plus qu’eux, et plus loin ; non que notre regard soit perçant, ni élevée notre taille, mais nous sommes élevés, exhaussés, par leur stature gigantesque ».

Cette citation de Bernard de Chartres (XIIe siècle) trouvée dans le dernier livre de Rémi Brague, Modérément moderne (Editions Flammarion), me paraît toujours plus lumineuse chaque fois que je la lis. La tradition n’est jamais ce que les traditionalistes ou les progressistes en disent. La tradition ignore résolument les clivages. Elle ne connait même pas la confrontation. La tradition se résume à un profond sentiment d’équilibre et de sérénité. Que l’on plonge en elle, et immédiatement, nous apparaît qu’elle est inaccessible à la plupart des hommes, que rares sont ceux dont elle pourrait être fière, qu’ils étaient toujours armés d’une humilité prodigieuse. Mais tous ceux qui ont voulu la mettre en cage parce qu’ils détestaient son influence ou ceux qui ont agi de même parce qu’ils voulaient la protéger d’elle-même et la garder pour eux, n’y ont compris ou vu goutte. La tradition est inaltérable. Contrairement à une idée répandue, sa destruction s’avère impossible. Au pire, est-il possible de l’oublier. Et l’oublier ne lui fait aucun mal. Elle sait se réserver. Elle n’est jamais pressée, prise d’affolement face à son époque. Elle prend son temps, puisqu’elle l’accompagne. Si les hommes l’oublient, elle sait laisser des traces de-ci de-là afin que l’on redécouvre son existence le moment voulu.

Elle est comme l’eau : personne ne peut la casser ou la retenir.

Il faudrait presque ne pas s’y référer. Il faudrait faire comme si elle n’était pas là. Nous la méritons si peu… Elle perd tout de suite de son lustre quand on en parle, quand on la descend à notre niveau. La tradition est intrinsèquement liée à la vie ; en réalité, elles ne font qu’un. Elles vont de conserve.

Extrait de La Sainte Messe, hier, aujourd’hui et demain, citation de Monsieur Dominique Ponnau, directeur de l’Ecole du Louvre, Conférence donnée au Mans, le 19 septembre 1998.

“Je me souviens. Ce souvenir est pour moi une référence culturelle et humaine quasi de chaque jour. C’était en juin 1985, à Pont-à-Mousson, à la fin du colloque “Musiques dans l’Eglise d’aujourd’hui”. Maurice Fleuret — en paix soit son âme —, le magnifique directeur de la musique et de la danse du ministre Jack Lang, l’ami de Pierre Mauroy, l’homme de gauche, le promoteur aussi éclairé que déterminé de la musique contemporaine, prit la parole. Parole de feu. De supplication ; on peut le dire, puisque lui-même supplia. Je le citerai ad sensum, mais ce mot je ne l’ai jamais oublié : il est de lui. Evoquant ce que la musique occidentale, depuis les origines jusqu’à nos jours, devait à l’Eglise, à la liturgie de l’Eglise, ce que devait à la musique de l’Eglise la musique de Monteverdi, de Bach, de Mozart, de Beethoven, de Stravinski, de Messiaen : tout. A la musique liturgique de l’Eglise, la musique occidentale devait tout, dit-il. Et lui-même, Maurice Fleuret, dans sa propre vie de musicien, à la musique de l’Eglise, que devait-il ? Tout. Il lui devait tout, dit-il. Et cette musique occidentale qui devait tout à l’Eglise, à la liturgie de l’Eglise, que devait-elle au chant grégorien ? Tout, dit-il. Au chant grégorien, toute la musique occidentale, dit-il, devait tout. Mais l’Esprit du chant grégorien, dit-il, cet esprit dont il ne pouvait imaginer qu’il cessât de souffler, où se respirait-il ? Dans la liturgie, dit-il. Et c’est à ce moment qu’il supplia l’Eglise… : Je vous en supplie, s’exclama-t-il, à l’intention des ecclésiastiques présents, ne laissez pas à l’Etat le monopole du chant grégorien. Il est fait pour la liturgie. Et c’est dans la liturgie qu’il faut le pratiquer.”

Témoignage chrétien – 2

Lorsque j’ai commencé ce blogue, très vite m’est venue l’idée d’écrire sur la liturgie. Non pas pour revendiquer un statut de spécialiste, mais pour partager mon expérience de ce qui représente le coeur de la vie d’un chrétien. Il y avait donc deux routes qui devaient se fondre : Il fallait raconter la messe (et ses bienfaits), et ensuite confier le cheminement qui l’avait révélée.

Partie 2 : le christianisme, roi des communautés – Au pied de l’autel

Lorsque je vivais à Londres, la pensée de la spiritualité n’a cessé de m’habiter. Ma quête se résumait à la recherche permanente de la vie intérieure. Ce cœur qui bat, qui palpite ne pouvait être que chair et sang. C’était là mon intuition. Vingt-cinq ans plus tard, c’est une certitude qui m’habite : ne pas laisser battre et palpiter ce cœur sans lui accorder suffisamment de temps, d’attention et d’affection. Sans cesse, chercher à approfondir ce mystère qui l’entoure. Tout ce qui empêche ce dialogue, tout ce qui interfère avec cette liaison, provoque mon plus profond mépris. Cette intimité brûlante a de parfaits ennemis ourdis par le monde moderne, des ennemis comme le communautarisme et le syncrétisme.

Lire la suite de “Témoignage chrétien – 2”

L’abandon de Benoît XVI

Océan

“Eli, Eli lama sabachtani ?” 1 Lorsque Benoît XVI signifie, en quelques mots simples, qu’il renonce à la fonction de pape, c’est un tremblement de terre qui secoue le monde et qui frappe les catholiques. Les bruits les plus farfelus courent et chacun de s’interroger sur les causes de cette décision qui, même si elle n’est pas unique, provoque la stupeur. Personnellement deux sentiments m’habitent : l’abandon et la tristesse, son poisson-pilote, pour ne pas dire la désolation. L’abandon ressemble à un écho qui ne cesse de se reproduire et de s’amplifier, comme une plainte entêtante.

Lire la suite de “L’abandon de Benoît XVI”

Témoignage chrétien

Lorsque j’ai commencé ce blogue, très vite m’est venue l’idée d’écrire sur la liturgie. Non pas pour revendiquer un statut de spécialiste, mais pour partager mon expérience au sujet de ce qui représente le coeur de la vie d’un chrétien. Il y avait donc deux routes qui devaient se fondre : Il fallait raconter la messe (et ses bienfaits), et ensuite confier le cheminement qui l’avait révélée.

Partie 1 : Quelle messe pour quelle Église ? – Devant l’église

Prêtres en soutaneDurant l’année 1987, je crus que mon heure était arrivée. Ma vie s’effondrait. La vie ne s’effondre jamais, je mettrai quelques années à le comprendre ; ou elle s’arrête, ou elle se transforme. Ma vie se transformait donc, violemment, intensément, elle me proposait l’enantiodromos comme disent les Grecs. L’enantiodromos est cette route qui se fend, qui se sépare, qui devient deux, et nous place face au choix. L’enantiodromos m’a permis de comprendre ce qu’était la liberté. C’était une situation inédite, j’allais m’en rendre compte. Ce croisement où la vie prend une tournure tout à fait inattendue marque le passage de l’enfance à l’âge adulte. Ce moment n’a pas d’âge. Je veux dire que l’on peut le vivre à tout âge. Ce qu’il ne faut pas c’est ne pas le vivre. Ne pas comprendre ce qui différencie la liberté vécue pendant l’enfance de la liberté choisie à l’âge adulte. Parce que le choix fait, nous devenons un autre ; l’expérience nous révèle et donne un cadre et des fondations à la personnalité.

Lire la suite de “Témoignage chrétien”

Monseigneur Centène…

Les Vannetais sont des gens bien lotis. L’homélie de Monseigneur Centène en la cathédrale Saint-Pierre de Vannes dimanche dernier revigore. Ce n’est pas la première fois que les homélies de Monseigneur Centène sont citées sur les sites catholiques, et au vu de la qualité de celles-ci, ce n’est pas près de finir.

Lire la suite de “Monseigneur Centène…”

Prêtre « génération Benoit XVI »

Cher Monsieur l’Abbé,

C’est avec grand plaisir que je salue votre départ. Non pas que je sois heureux que vous quittiez la chapelle Notre-Dame du Lys, mais parce que je suis heureux de vous avoir rencontré et que vous continuiez votre sacerdoce en montrant l’exemple du prêtre selon Benoit XVI.

Hier, pour la fête de la Sainte Trinité, vous avez célébré votre dernière messe selon le rite extraordinaire dans le 15e arrondissement de Paris. Dans cette petite chapelle si pieuse, où vous êtes arrivé en 2009 lorsque le diocèse de Paris a commencé à assumer la responsabilité de la chapelle et à nommer des prêtres à son service. Et alors que vous aviez déjà été ordonné prêtre depuis presque dix années, vous avez appris à célébrer la messe selon le missel de 1962 ! Belle leçon d’humilité ! Vous vous êtes coulé dans le moule de la forme bi-millénaire. Pour répondre à la demande de vos supérieurs, mais aussi à celle d’un groupe d’irréductibles fidèles amoureux du rite extraordinaire.

Lire la suite de “Prêtre « génération Benoit XVI »”