Il y a maintenant plus de cinquante ans, l’Église catholique se dotait d’une nouvelle messe qui rompait d’une manière encore jamais vue avec la tradition de l’Ėglise. Les réformateurs n’avaient cependant pas prévu que la messe traditionnelle leur perdure. Ils étaient même persuadés du contraire. Et ils utilisèrent tous les moyens en leur possession pour arriver à leurs fins : la suppression de la messe romaine traditionnelle1 Pourtant, force est de constater que cette messe continue d’attirer de nombreux fidèles, et parmi eux, des jeunes gens qui s’engagent, comme priants, comme séminaristes, à célébrer et à faire vivre cette forme du rite romain. Ces derniers sont souvent accusés d’être des fauteurs de trouble, des nostalgiques, des identitaires, et surtout, crime de lèse-majesté, d’être contre le Concile Vatican II, que l’on ne sépare plus de son propre esprit ; cet esprit du concile dont on se repaît sans jamais vraiment le qualifier, comme pour à peu près toutes les choses importantes. Dans l’Église comme ailleurs, les progressistes agissent en essentialisant leurs contradicteurs afin de les discréditer. La liturgie est le sommet et la source de la vie de l’Église comme le rappelle le dernier concile, et la liturgie est tradition. Pour dénouer la crise de la liturgie qu’elle porte en son sein, l’Église devra retisser les fils de la tradition abimée et blessée, même et surtout, si l’époque la presse de n’en rien faire.
Quel Vatican II ?
« Le nouvel Ordo Missae, si l’on considère les éléments nouveaux, susceptibles d’appréciations fort diverses, qui y paraissent sous-entendues ou impliquées, s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la XXIIe session du Concile de Trente, lequel, en fixant définitivement les “canons” du rite, éleva une barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l’intégrité du Mystère »2 Le cardinal Ottaviani, préfet émérite de la Congrégation pour la Doctrine de la foi s’adressait ainsi le 3 septembre 1969 à Paul VI, nous étions à quelques semaines de l’entrée en vigueur de la nouvelle messe. Cela concluait d’une certaine façon, le Concile Vatican II qui avait pourtant fermé ses portes depuis quatre ans ! Attardons-nous un peu sur la figure de cardinal Alfredo Ottaviani : fils de boulanger, issue des quartiers pauvres de Rome, il se révèle un très bon élève au séminaire pontifical romain, et obtient trois doctorats, en théologie, en philosophie et en droit canon. Secrétaire du Saint-Office, puis propréfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il travailla les quatre années précédent le concile à préparer les thèmes à traiter et prononcera l’habemus papam pour l’élection de Jean XXIII. Ce mois d’octobre 1962 verra les masques tomber et les prises de position, progressistes ou modernistes, s’afficher. Jean XXIII, dans son discours d’ouverture du Concile, affichera un certain mépris pour l’équipe curiale de Pie XII en déclarant : « L’Épouse du Christ préfère recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité. Elle estime que, plutôt que de condamner, elle répond mieux aux besoins de notre époque, en mettant davantage en valeur les richesses de sa doctrine. »3 Il y a dans cette phrase une dichotomie qui inaugure et préfigure tout le Concile Vatican II : peut-il y avoir miséricorde s’il n’y a pas condamnation d’un acte ? Pourquoi y aurait-il remède s’il n’y a auparavant blessure ? Ne voyait-on la volonté de mettre le péché sous le tapis comme une poussière incommodante ? Le ton employé où la mansuétude s’affirme comme autorité suprême deviendra le leitmotiv du Concile Vatican II. Dès lors une fronde s’organise. On rejette les textes préparés par la curie. Notamment De fontibus revelationis, sur les sources de la révélation, et le De Ecclesia. Il fallait une majorité absolue pour entériner ce rejet, Jean XXIII donna son accord et se contenta de la majorité relative. « Ainsi fut réalisé un véritable coup d’État, par lequel l’ensemble des tendances libérales, en train de s’organiser en “majorité conciliaire”, ravirent le pouvoir doctrinal à la Curie héritée de Pie XII. » 4. On commença dès lors, et puisque les textes de travail avaient été foulés aux pieds et mis au rebut, de travailler à la liturgie. On pensait le sujet rassembleur. Les progressistes avaient comme à leur habitude un agenda, ce que les conservateurs n’ont presque jamais. Le cardinal Ottaviani, le 30 octobre 1962, prit la parole, il n’était pas encore aveugle et allait faire preuve de clairvoyance, il demanda qu’on ne traitât pas le rite de la messe « comme un morceau de tissu qu’on remet à la mode selon la fantaisie de chaque génération ». Il sembla à l’assistance qu’il était trop long dans son développement. Il fut interrompu sans égard à son rang. On coupa son micro sous les applaudissements d’un grand nombre de Pères. Le Concile Vatican II pouvait commencer.
Les réformateurs à l’œuvre
Est-on contre le concile si l’on aime la messe romaine traditionnelle ? La question est ressassée depuis cinquante ans. Encore de nos jours, tout amoureux de la messe tridentine se voit renvoyé dans les cordes s’il cherche à étayer sa position. Comme si l’amour du rite traditionnel suffisait à démontrer le rejet de la nouvelle messe. L’essentialisation, encore et toujours. Un grand nombre de personnes serait d’accord avec cette assertion, et un tout aussi grand nombre affirmerait que Vatican II a mis fin à la messe en latin, à la célébration dos au peuple, et à la communion dans la bouche. Et ce nombre, aussi grand soit-il, aurait tort. Un Concile qui annonce presque dès le début qu’il sera pastoral peut engendrer une forme de méfiance. Et il paraît bien naïf de croire que le pastoral et le dogmatique ont d’un commun accord tracé une limite entre eux que rien ni personne ne voudra ou ne pourra franchir ! Pendant Vatican II, un foisonnement d’idées a jailli. C’est ce qui impressionnera des esprits aussi divers que le cardinal Ratzinger, le cardinal Journet ou le Père Congar. Vatican II voyait avec la chute de la Curie les dernières limites s’affaiblir. Un vent nouveau s’engouffrait dans l’Église, c’était le vent du monde et le goût de la nouveauté infectait chacun, mais elle créait aussi une émulation intellectuelle et spirituelle inconnue. Tous les prélats rassemblés n’étaient pas des révolutionnaires, loin s’en faut. Et résumer Vatican II à cela manquerait à la vérité. Commençant donc avec la liturgie, l’esprit du Concile se mit à exister et en vint à croire que tout était possible. Était-ce le souffle de l’Esprit-Saint ou les fumées de Satan5 ? La commission sortit la constitution sur la sainte liturgie, Sacrosanctum Concilium, qui parachevait les études passées comme Mediator Dei de Pie XII, rappelant en termes forts ce que la liturgie peut être ou ne pas être. Le status du latin était renouvelé et garanti ; beaucoup oublient que tout le Concile Vatican II a lieu en latin, que tous les prélats rassemblés suivent la messe tridentine puisqu’il n’y en a pas d’autre ! Mais, dans la traduction en français de Sacrosanctum Concilium pointe déjà le souffle progressiste qui va s’introduire par les fenêtres un peu trop ouvertes du Vatican et qui soufflera avec une ardeur toujours renouvelée en France lors de la mise en place de la réforme liturgique. Ainsi lit-on pour les verbes, instaurare et fovere : la constitution se donne pour but la « restauration et le progrès de la liturgie ». Si Instaurare peut se traduire par restaurer, fovere n’a que peu à voir avec un quelconque progrès ! Fovere signifie plutôt favoriser, encourager. « Ainsi, le but clairement affiché (en latin et dans les traductions fidèles) était de restaurer et promouvoir la liturgie. Pas de la détruire pour en fabriquer une autre. Pas même de la faire “progresser”… 6» Sacrosanctum Concilium affirme en le reprenant le thème de la participation active (déjà mis en exergue par Pie X et repris par Pie XII), le respect envers la langue sacrée (je cite : « l’usage du latin sera conservé dans les rites latins »), et on n’y trouvera rien concernant la communion dans la main ni sur l’orientation du prêtre… Si le courant d’air peut rafraîchir un instant, il peut aussi provoquer un torticolis, toute sorte de dommages collatéraux là où une fenêtre fermée nous aurait simplement fait transpirer. Comme le Concile Vatican II se voulait un restaurateur de choses anciennes oubliées ou enfouies sous les couches successives de la tradition (mû, tout de même, par une haine du Moyen Âge), il tendait aussi à épouser son époque au plus près quitte à abaisser la toise de ses exigences. Des clercs puisant dans une autre tradition, quelquefois antiliturgique, quelquefois venant du Mouvement liturgique, s’apprêtaient à abattre leurs cartes et à jouer avec cette dichotomie et, il faut bien le dire, un certain affaissement de la hiérarchie et du sacré pour démanteler la liturgie.
On sait que toutes les révolutions que le monde a connu n’avaient qu’un but, le pouvoir. Le discours de la révolution s’appuie sur le peuple, mais seul le peuple n’en tire aucun bénéfice. On peut ainsi lire dans Sacrosanctum Concilium : « Les rites doivent être simples et brefs et adaptés aux fidèles »… N’y a-t-il qu’un seul type de fidèles ? Et pourquoi chercher absolument à ce que le rite soit compris ? Le sacré ne se nimbe-t-il pas de mystère ? Le mystère n’est-il pas partie prenante de l’émerveillement du fidèle ? Combien de fidèles dotés de saines habitudes ont été bousculés pour ne pas dire plus par la réforme de la liturgie ? Combien ont été violentés qu’on leur dérobe leur bien en leur ôtant les récitations en latin des prières de saint Ambroise ou de saint Grégoire le Grand ? Or le fidèle c’est lui, le paysan de la Garonne, comme l’appelle Maritain dans son livre éponyme. Et le paysan n’a souvent pas vu ou compris le « feu nouveau » du Concile qui l’a, en revanche, détourné de l’Église par tant de nouveautés ! Le feu nouveau, le fidèle le trouvait dans la coutume qu’on n’appelle pas encore le rite, comme le résume si bien Pascal7. La Réforme protestante au début du XVIe siècle ciselait cette haine de ce que l’on appelle la chrétienté, en ne pointant que ses défauts, et le concile de Trente avait stoppé l’hémorragie en entreprenant de refonder la foi catholique ébranlée. Dom Prosper Guéranger, le refondateur de l’abbaye de Solesmes, restaurateur de l’ordre de Saint-Benoît, saint homme s’il en fut, écrivit un livre édifiant : L’Année liturgique. Nous sommes au XIXe siècle, la Révolution française et ses fracas sont passés par là, le souvenir du gallicanisme et du jansénisme (« le protestantisme français » disait Dom Guéranger) règne dans les diocèses dont les liturgies sont toutes différentes les unes des autres. Dom Guéranger remet l’église au centre du village en privilégiant le missel romain. Il est dit quelquefois que L’Année liturgique marque le début du Mouvement liturgique, ce livre et le mouvement vont pourtant s’éloigner tant et plus dans leurs intentions comme dans leurs actes. En 1680, Dom Henri Leclercq écrit à propos des la réforme du Bréviaire de Paris : « On prit à tâche de retrancher sans modération, là où il suffisait de sarcler, on faucha, sous prétexte de faire disparaître tout ce qui pouvait avoir l’apparence d’une superstition. » Les réformateurs de la liturgie se suivent et se ressemblent. Cette tradition antiliturgique courrait donc depuis quatre siècles quand elle trouva le terrain de jeux du concile Vatican II. Les progressistes ont cette manière de faire passer de vieilles lanternes pour des choses nouvelles quand les conservateurs sont incapables de magnifier leur patrimoine, trop décents et trop pudiques qu’ils sont. Dom Leclercq continuait ainsi : « On ravagea le Sanctoral comme le Temporal… On se permit des réductions dans le rite des fêtes mariales, ce qui témoignait d’aussi peu de bon goût que de bon sens et de piété (…) Sur cette voie glissante, on alla trop loin. Les leçons des fêtes de la Vierge, les bénédictions de son Office particulier subirent des retouches et des suppressions à tout le moins inopportunes. Il était irrespectueux à l’égard de Marie de supprimer cette belle et antique formule : Gaude, Maria Virgo, cunctas haereses sola interemisti (Réjouissez-vous, Vierge Marie, c’est vous seule qui avez terrassé toutes les hérésies), comme il était malsonnant de ne plus lui dire désormais cette invocation : Dignare me laudare te, Virgo Sacrata ; da mihi virtutem contra hostes tuos (Permettez-moi de vous louer, Vierge Sacrée ; donnez-moi la force de combattre vos ennemis). Le nom de certaines fêtes fut changé. » Où l’on découvrira dans le missel de Paul VI que les liturgistes avaient de la suite dans les idées puisqu’ainsi on changea la solennité du 25 mars qui était l’Annonciation de la Sainte Vierge et elle devint Annontiatio Domini, une fête du Seigneur. Dom Leclercq finit sur ce point : « On alla à l’encontre d’une lointaine tradition en supprimant l’office propre de la Visitation. Si la mère de Dieu était ainsi traitée, son vicaire en ce monde n’était pas épargné. Le répons : Vous êtes le pasteur des brebis, vous qui êtes le prince des Apôtres et l’antienne : Lorsqu’Il était Souverain Pontife il ne craignit point les puissances terrestres… étaient condamnés à disparaître. » Dom Guéranger affirmera prophétiquement : « Les liturgies modernes des Églises de France (ont été) composées bien plus souvent par des hommes de parti que par des saints. » Le moine bénédictin s’essaie à une comparaison parlante8 : « En songeant à la Réforme actuelle, il nous est souvent venu à l’esprit la comparaison d’une vieille demeure familiale. Si nous la faisons visiter à un esthète puriste, il trouvera qu’il y a bien des fautes de goût, que les styles sont trop mélangés, que les pièces sont trop encombrées, etc. Si nous faisons visiter à un archéologue, il trouvera qu’il est dommage de ne pas restituer cette vieille demeure en son état primitif de gentilhommière du XVIIe siècle et que l’on devrait éliminer tout ce qui jure avec le style du grand siècle. Sans doute ont-ils scientifiquement raison et pourtant ils ne voient pas l’essentiel : qu’une maison à son âme et que cette âme est faite des personnalités de tous ceux qui l’ont habitée et l’habitent. Personnalités qui trahissent dans les mille et un détails d’arrangement obscurs pour un étranger à la famille. Il est sans doute trop tôt pour juger si nos Réformateurs modernes ont bien saisi “l’esprit” de la maison, mais on peut en croire Dom Guéranger lorsqu’il dit que ceux des XVIIe et XVIIIe siècles ne l’avaient pas compris ni moins encore goûté. » Il fallait donc faire du neuf, et les liturgistes de Vatican II vont s’y employer aidés en cela par le nouveau pape Paul VI qui prend la relève de Jean XXIII, ce dernier avide des idées de son temps apprécie tout particulièrement le Mouvement liturgique.
Dom Guéranger par sa clairvoyance, dit à propos des liturgistes qu’ils voulaient profaner la langue sacrée, et fort de son expérience et de sa compréhension du protestantisme et du jansénisme dont il explique les intentions à vouloir « retrancher dans le culte toutes les cérémonies, toutes les formules qui expriment des mystères. Ils ont taxé de superstition, d’idolâtrie tout ce qui ne leur semblait pas purement rationnel, restreignant ainsi les expressions de la foi, obstruant par le doute et même la négation toutes les voies qui ouvrent sur le monde surnaturel. Ainsi… plus de sacramentaux, de bénédictions, d’images, de reliques des saints, de processions, de pèlerinages, etc. Il n’y a plus d’autel mais simplement une table, plus de sacrifice, comme dans toute religion, mais seulement une cène ; plus d’églises, mais seulement un temple comme chez les Grecs et les Romains, plus d’architecture religieuse, puisqu’il n’y a plus de mystère ; plus de peinture et de sculpture chrétiennes, puisqu’il n’y a plus de religion sensible ; enfin plus de poésie dans un culte qui n’est fécondé ni par l’amour ni par la foi. » Un siècle plus tard, les Pères du Concile Vatican II n’avaient pas lu Dom Guéranger, ou l’avaient oublié à tout le moins. Ils s’apprêtaient à réformer, transformer et à faire « progresser » donc, la « Sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la XXIIe session du Concile de Trente, lequel, en fixant définitivement les canons du rite, éleva une barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l’intégrité du Mystère. » Ils allaient vite s’ébranler contre le latin, première étape de leur réforme. Épris de nouveautés, ils ne savaient plus qu’ils étaient les continuateurs du sinistre clergé constitutionnel de l’an V pendant la Révolution française où les arguments favorables et défavorables au latin comme langue de l’Église avaient déjà été formulés… Mais c’était demander à des modernes d’avoir de la mémoire. Un protestant qui sortait de son pays n’entendait plus rien à la célébration quand un catholique pouvait suivre la messe partout dans le monde grâce au latin. Le catholique tenait d’abord son universalité de sa langue. Il était catholique romain. L’est-il encore ?
La porte entrouverte par Sacrosanctum Concilium sera balayée par les « émeutiers » qui n’en attendaient pas moins. Pour reprendre notre métaphore du courant d’air, qui n’a jamais vu dans une maison la volonté de la maîtresse des lieux d’aérer une pièce de la maison, et ne pas prévenir la bourrasque violente qui guettait l’ouverture de cette fenêtre ? Les dommages collatéraux se calculent toujours a posteriori. La Révolution joue sur l’entraînement et l’enchaînement des faits qui donnent raison aux assaillants, jamais aux défenseurs. Or à ce stade du Concile, au tout début, un phénomène d’États généraux de 1789 s’enclenche. Les hommes nommés par Paul VI se mettent en ordre de bataille. Le secrétaire de la commission s’appelle Annibale Bugnini, il aura les manières féroces et efficaces du chef de guerre phénicien dont il porte le prénom. « Cette “assemblée constituante” (…) en charge de la refonte de toute la liturgie romaine, était d’une ampleur considérable. Elle comprenait une cinquantaine de membres, avec en outre cent cinquante experts consulteurs, soixante-quinze experts conseillers sans compter ceux qui furent consultés épisodiquement » 9 Le Concile continuait sa course et la réforme se déployait en parallèle pour atteindre une puissance supérieure aux congrégations de la Curie. Paul VI était interrogé de temps à autre pour une décision qu’on voulait finale. Les atermoiements du Saint-Père, nombreux, donnaient encore plus de pouvoir à la commission qui décidait quand il ne décidait pas. Il fallait avancer, car seul le mouvement, cette purification de la « vieille église », se voulait nécessaire. Les progressistes se persuadaient d’une mission contradictoire, à tout le moins : retrouver la fraîcheur de l’Église primitive et coller à l’air du temps. Autrement dit : redonner des airs de jeunesse à l’Église et remplir à nouveau les nefs qui avaient commencé depuis un moment de se déserter. Il est aisé de voir qu’elle a échoué dans les deux. Dans de nombreux endroits en Europe, l’air du temps avait déjà gagné contre la tradition. Ce qui donnait aux réformateurs le goût de la victoire. Les initiatives liturgiques pullulaient. La préface et le canon concentraient les premiers intérêts. À haute voix, en langue vernaculaire… C’était comme une survivance de Luther dans l’Église catholique. On trouva mille raisons d’élargir la concélébration. On s’appuya sur Sacrosanctum Concilium qui avait ouvert la porte par son flou sur le nombre de concélébrants autorisés. Tout le monde paraissait d’accord pour en restreindre le nombre afin que la dignité de la liturgie ne s’en ressente pas, pourtant rien ni personne ne vint dire quel devait être ce nombre, si bien que chacun fit ce qu’il voulait et que donc l’excès fut couronné. Quand la pastorale se veut autorité, on marche cul par-dessus tête ! Mais en fait, l’Église correspondait déjà complètement à son époque, elle accréditait l’idée que l’autorité n’avait plus droit de cité parce qu’elle ne savait plus que l’autorité relevait de l’amour, et qu’elle confondait, comme le monde, le pouvoir et l’autorité, l’autorité et l’autoritarisme.
La messe de Paul VI
La révolution se voyait partout. François Mauriac écrivait dans un beau plaidoyer sur son « Bloc-Notes » du Figaro Littéraire en novembre 1966 : « Ils (les séminaristes de province qui lui écrivent) ont retrouvé au séminaire la télévision, le tabac, le ciné-club, les loisirs : “(…) Les clercs ne sont plus noirs, le chant grégorien existe sous la forme de souvenir. Avant les repas, nous n’entendons plus quelques versets de la Bible… Bref, nous arrêtons ce propos, nous n’avions pas le droit de le tenir, le soldat ne sait jamais qu’il capitule.” (…) Ce désarroi chez des séminaristes, après deux années de séminaire, ne fera ni chaud ni froid, je m’en doute, à ceux de leurs aînés qui, en même temps que la soutane, se sont débarrassés de ce qui tourmente ces jeunes cœurs exigeants. » On voulait être dans l’air du temps et coller à son époque, mais pas aux gens ; les gens, on leur imposerait ce que l’on croyait bon pour eux. On s’en écarta, donc. On supprima peu à peu toutes les traditions populaires souvent comparées à des superstitions. Une part trop grande était faite aux saints, on y remédia. Il faut dire qu’il y avait nombre de « conseillers » protestants dans ou autour de la commission. Le surnaturel, en général, occupait les esprits des progressistes, on l’adapta. S’il fallait, on inventa, on bricola, et on bricola beaucoup. On retrouva les racines anti-liturgiques qui parcouraient le monde depuis plus de quatre siècles, celles que l’on aurait cru accomplies avec la Réforme protestante. Et bien non, il fallait continuer de parcourir cette veine comme la haine des messes privées, les saints… Personne, en étudiant le Concile Vatican II et sa réforme de la liturgie, ne peut nier en toute bonne foi qu’une protestantisation de la liturgie a eu lieu. Dom Guéranger toujours, le père Abbé de Solesmes, aimait à dire que les protestants « se sont séparés de l’unité afin de croire moins. » Durant ces années 60, il aurait semblé à n’importe quels saints du passé que l’Église croyait moins.
« Il fallait rendre la liturgie moins cléricale, plus ecclésiale et ouverte à la participation. Dans cette participation les chrétiens plus facilement se rendront compte d’être l’Église que le Christ s’associe dans l’exercice de son sacerdoce pour rendre le culte au Père et sanctifier l’homme10 » Une liturgie trop cléricale due à des prêtres adeptes du cléricalisme ? Le prêtre in persona christi devenait le problème. Mais on ne dit jamais la raison, et on confondit encore autorité et autoritarisme. On mélangea tout comme d’habitude. On avait oublié que la tenue, l’uniforme, disait l’identité, mais obligeait surtout à cette identité. Rappelé à soi-même, celui qui porte l’uniforme sait comme cet habit étouffe ses passions pour le métamorphoser en un autre, plus grand que lui. Mais on voulait nous forcer, à être ce que nous étions, sans rien apporter de nous, sans nous élever et nous soumettre à l’autorité de Dieu, puisque nous étions tous ministres du Christ, sans même chercher à l’imiter, sans aucun efforts, donc. On voit que les thèmes ne changent pas d’une époque à l’autre. Si l’on veut un exemple de la perte de surnaturel et donc de sacré, constatons que nulle part dans la nouvelle messe n’apparaît l’avertissement de saint Paul à ceux qui communient de manière indigne11. Ainsi pendant la messe de Paul VI n’y a-t-il jamais de confession, et pourtant tout le monde communie, sans exception ou presque. « Le corps du Christ est un dû ! Je viens à la messe j’y ai droit ! » pourrait-on entendre si l’on tendait l’oreille. Et tout ce qui concerne la communion est devenu quelque part misérable dans la nouvelle messe. De longues queues, des queues leu-leu, pour prendre le corps sacré de Jésus dans la main ! Pour, l’air ailleurs et n’ayant apparemment aucune connaissance de qui repose dans la main, sans aucune onctuosité aurait dit Dom Guéranger… Pour, piteusement et mécaniquement, finir par faire un pas de côté, se déplacer de devant le prêtre, et, sourcilleux de montrer sa dévotion dans un geste improbable jamais édicté par personne, mais copié sur tout le monde, se prosterner bêtement devant le tabernacle vide et engloutir la sainte hostie. Ô Désolation ! Quelle perte de sens ! Un saint curé d’Ars deviendrait fou de voir ainsi communier des fidèles qui sont devenus des robots grâce à la réforme liturgique de Paul VI ! Seuls des robots peuvent ne pas réaliser qu’ils ont le Seigneur des seigneurs dans leurs mains, ce qui frôle déjà le sacrilège ! Heureusement que l’ignorance qui préside à cette manière nouvelle exonère en partie le fidèle ! Dom Guéranger déclarait ainsi en parlant des protestants qu’ils « se sont trouvés amenés à retrancher dans le culte toutes les cérémonies, toutes les formules qui expriment des mystères. Ainsi… il n’y a plus d’autels, mais simplement une table ; plus de sacrifice, comme dans toute religion, mais seulement une cène, plus d’église, mais seulement un temple. Nous y étions.
Comparons le début de la célébration de la messe dans les deux « formes » pour comprendre ce qui les sépare12 :
– Dans le missel romain traditionnel : « En premier le célébrant prend l’amict par les extrémités des cordons, le baise au milieu sur La Croix, le met sur la tête ; aussitôt il l’abaisse sur le cou de telle sorte que le col de ses vêtements soit recouvert, passe les cordons sous les bras, puis derrière le dos, etc. (…) Le prêtre ayant revêtu les ornements, prend le calice de la main gauche, tel qu’il a été préparé comme il a été dit, qu’il porte élevé devant la poitrine, la main droite tenant la bourse sur le calice et, après avoir fait l’inclination à la croix ou à l’image (de la croix) qui se trouve dans la sacristie, il se rend à l’autel précédé par le ministre, etc. (…) Il monte au milieu de l’autel, où il dépose le calice vers le côté de l’Évangile, extrait le corporal de la bourse, qu’il étend au milieu de l’autel, y place le calice couvert du voile, tandis qu’Il met la bourse du côté gauche, etc. (…) Il redescend sur le pavé, se tourne vers l’autel où il reste debout au milieu, les mains jointes devant la poitrine, les doigts joints et étendus, le pouce droit croisé sur le pouce gauche (ce qu’il doit toujours faire quand il joint les mains, sauf après la consécration), tête nue, ayant fait d’abord vers la croix ou l’autel une inclination profonde ou une génuflexion si le Très Saint Sacrement est dans le tabernacle, il commence debout la messe, Etc. (…) Lorsqu’il dit Aufer a nobis, le célébrant mains jointes monte à l’autel, etc. (…) Incliné au milieu de l’autel, les mains jointes posées sur l’autel de telle sorte que les petits doigts en touchent le devant, cependant que les annulaires sont posés sur la table (chose qu’il faudra toujours observer lorsque les mains jointes sont posées sur l’autel), etc. (…) Lorsqu’il dit « les corps dont les reliques sont ici », il baise l’autel au milieu, les mains étendues posées à égale distance de chaque côté, etc. (…) À la messe solennelle, il met trois fois de l’encens dans l’encensoir, en disant en même temps : Ab illo benedicaris, « Sois béni par celui », etc.
– Dans le missel de Paul VI : “Dans la sacristie, selon les diverses formes de célébration, on préparera les vêtements liturgiques du prêtre et de ses ministres : pour le prêtre, l’aube, l’étole et la chasuble. (…) Tous ceux qui revêtent l’aube utiliseront le cordon et l’amict, à moins qu’on ait prévu un autre arrangement. (…) Le prêtre monte à l’autel et le vénère par un baiser. Ensuite, s’il le juge bon, il l’encense en en faisant le tour. (…) Puis, tourné vers le peuple et les mains étendues, le prêtre le salue avec des formules proposées… » Toute la messe est devenue ainsi un rite hérissé d’options ! Le missel de Paul VI rend optionnel tellement de parties et prières de la cérémonie que d’une église à l’autre, on n’assiste pas à la même messe, cela dépend du prêtre, de l’évêque quelquefois, mais si rarement. On pourrait presque penser que l’on donne beaucoup trop de pouvoir au prêtre en lui permettant ainsi de décider de choses qui le dépassent. On pourrait presque trouver, et certains saints du passé ne s’y tromperaient pas, qu’il y a cléricalisme à laisser ainsi le prêtre décider de l’essentiel : la forme de la route à prendre par les fidèles pour arriver à Dieu. Le prêtre prend une dimension toute nouvelle dans la messe de Paul VI, car on retiendra souvent de la messe son homélie, et on dira souvent de la liturgie nouvelle qu’elle était belle par la grâce de l’homélie du prêtre. Ainsi on frôle le cléricalisme à tout instant dans la nouvelle messe. Le prêtre qui n’était que serviteur et qui se glissait dans les habits du prêtre ultime, Jésus-Christ, ne pouvait rien changer, rien ôter, rien ajouter, à un rite qui le dépassait. Ce n’est qu’à la grâce d’une métamorphose qu’il osait procéder et se mettre dans les pas du Christ, prêtre des prêtres. Il n’y a pas de personnalisation du prêtre comme dans la messe de Paul VI. Et la surenchère de choix provoque aussi une autre faille qui n’existe pas dans la messe tridentine, le relativisme. Ce que provoque le trop grand choix. Qui suis-je pour choisir ? devenait une façon de grandir pour le monde moderne qui s’apprêtait au grand schisme pressenti par le père Réginald Garrigou-Lagrange : « L’Église est intransigeante sur les principes, parce qu’elle croit, et tolérante dans la pratique, parce qu’elle aime. Les ennemis de l’Église sont au contraire tolérants sur les principes, parce qu’ils ne croient pas, mais intransigeants dans la pratique, parce qu’ils n’aiment pas. L’Église absout les pécheurs, les ennemis de l’Église absolvent les péchés. » Alors oui, il reste un peu de Saint Pie V dans Paul VI, mais si peu. La pompe, le sacré, le sens ont été affaiblis. On peut dire un ou deux Kyrie au choix, là on l’on en disait trois pour honorer les trois personnes de la Trinité ! Le Confiteor a été réduit de l’intercession nominative de saints protecteurs. En 2021 eu lieu un aggiornamento des traductions françaises qui étaient calamiteuses bien souvent, hérétiques quelquefois. On puisa beaucoup dans le missel ancien pour revenir à des propos plus clairs. On remis le Orate fratres que Paul VI avait instamment demandé de garder, mais qui en français était passé aux oubliettes. Et ces fidèles qui devaient participer activement avec cette batterie de nouvelles mesures ? Et bien ils ne participent pas ou alors comme des robots quand tout le monde sait exactement ce qu’il a à faire pendant une messe tridentine. Quand tout le monde participe activement par la prière intérieure en suivant le prêtre qui s’avance à pas feutrés vers le Bon Dieu. Comme le dit un moine bénédictin : « Et voilà, peut-être, en effet, en quoi celui qui a pratiqué pendant des années l’ancien Missel se sent dépaysé dans le nouveau : les formules rappellent souvent l’Antiquité chrétienne et sa beauté de source, mais l’esprit n’est pas toujours antique ; il se dégage des préoccupations qui ne sont ni antiques ni médiévales[7]. » C’est ainsi que l’abbé Barthe définit l’autorité de la messe de la messe de Paul VI : « on pourrait dire que la liturgie nouvelle est lex orandi, non en elle-même, mais pour ce qu’elle contient de la liturgie ancienne. » Or, il reste 13% de l’ancien missel dans le nouveau.
Il faut comprendre que tout cela prend corps à une époque où on dit souvent tout et son contraire. Paul VI dans son discours du 26 novembre 1969 indique que la messe se dira dans la langue nationale alors que le Concile à travers Sacrosanctum Concilium avait bien demandé le contraire sauf très rares exceptions. Là encore où le Concile disait que le grégorien devait occuper la place principale dans les chants de la messe, on convenait qu’en supprimant le latin, on supprimait le grégorien. Bugnini, maître d’œuvre de la réforme, ira jusqu’à déclarer qu’il serait vraiment déplaisant que dans la restauration finale cette petite perle ait disparu de l’Ordo Missae.’ Il parlait de l’antienne Introibo ad altare dei. Doit-on préciser qu’elle disparaîtra dans la dernière version du missel. La destruction de la liturgie imposait la destruction de l’office divin. Là encore la commission s’y employa avec un zèle extraordinaire. On considéra que certains offices faisaient doublons, on les réduisit, on les simplifia. On supprima Prime, sous le prétexte stupide que Laudes existait. On se croyait ouvertement plus intelligent que nos prédécesseurs dans l’Eglise. On a constitué un lectionnaire dont la complexité ne cesse d’étonner et on a détruit la compréhension par le rythme annuel que la messe traditionnelle offrait. On a confondu liturgie et catéchisme. On a mal coupé, les lectures sont quelquefois d’une longueur qui empêche toute compréhension. Les décisions des petits professeurs rationalistes de la commission ressemblaient tant à ce que Dom Guéranger appelait « un manque d’onctuosité », il n’y avait plus rien d’onctueux dans la nouvelle messe ou alors seulement ce qui existait antérieurement à elle et s’y trouvait encore pour une raison inconnue. « La nécessité de trouver des lectures différentes sur trois ans aboutit à des choix aberrants. Ainsi l’évangile de l’Ascension pour l’année A… n’évoque pas l’Ascension. Pour la Pentecôte année A c’est pire. L’évangile est celui où Jésus apparaît aux apôtres le soir de Pâques et souffle sur eux en leur disant : « Recevez l’Esprit-Saint ». Proclamer cette péricope à la messe de la Pentecôte ne peut qu’engendrer de la confusion chez les fidèles. Car à quoi bon la Pentecôte si les apôtres ont déjà reçu le Saint-Esprit ? Dans le missel traditionnel, c’est l’évangile du premier dimanche après Pâques, avec la suite, qui est ce qui se passe le dimanche suivant, donc ce dimanche après Pâques (saint Thomas). Et là il est clair que ce don du Saint-Esprit est distinct de celui de la Pentecôte13. »Pour coller à la mentalité de l’époque et à la prophétie de Jean XXIII, L’Épouse du Christ préfère recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité, on a supprimé l’histoire d’Ananie et Saphire, et on a coupé la relation du suicide de Judas… Alors que le nouveau lectionnaire fait une lecture presque complète des Actes des apôtres ! Ces passages décrivant des scènes trop difficiles à supporter pour les fidèles modernes certainement. Le « jugement de Salomon » (1 Rois 3,16-28) a été ôté, car il aurait pu choquer quelques-uns… Un roi qui menace de couper un bébé en deux, Grand Dieu ! Il s’agit donc comme le disait Dom Nocent d’une « nouvelle religion ». On notera que l’actuel Préfet du Dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements, Arthur Roche, le confirme dans presque tous ses entretiens depuis plusieurs mois. Ceux qui pensaient que la seule révolution qui ait jamais eu lieu était la venue du Christ en ce monde en sont pour leurs frais. Vatican II et ses fracas révolutionnaires s’entendent comme nouveau maître étalon du catholicisme et l’on voit bien que quiconque pense autrement est rabroué et moqué, en public s’il le faut[12]. Les traditionalistes comme on les nomme sont les nouveaux pénitents publics et on peut imaginer dans un futur proche qu’ils soient traités comme l’étaient les pénitents publics au Moyen Âge ! On a supprimé quasi intégralement le Cantique du Cantique qui dans une magnifique prémonition disait la naissance de la Vierge Marie. Dom Alcuin Reid, prieur fondateur du Monastère Saint-Benoît14 à La Garde-Freinet, à travers ses articles et son livre (disponible en anglais seulement), Liturgy in the Twenty-fist century, détaille par le menu les exactions de la commission Bugnini, aidée en cela par une myriade de sous-commissions, l’une d’elles passera à la postérité : celle chargée des collectes. Lauren Pristas, Professeur de Théologie dans le département de théologie et philosophie au Caldwell College aux États-Unis, a écrit un livre passionnant (de nouveau seulement en anglais, est-ce une surprise ?), The collects of the roman missal. Elle montre que les réformateurs ont agi comme s’ils tournaient Massacre à la tronçonneuse avec des références évidentes à Frankenstein. Les réformateurs sont allés chercher une oraison du sacramentaire appelé Gélasien quand ce qui était sous leurs yeux ne leur convenait pas, mais quand ce qu’ils trouvaient à la source ne leur convenait pas non plus (et ce n’est pas par hasard qu’elle ne convenait pas et qu’elle avait disparu, mais parce que sa qualité était en cause), ils l’ont trafiqué ! Plénipotentiaires ! Le livre déchiffre et affiche toutes les exactions des réformateurs. Exemple ? La postcommunion du premier dimanche de l’Avent est composée d’une collecte de l’Ascension et d’une secrète du mois de septembre du sacramentaire de Vérone. Une collecte et une secrète pour façonner une postcommunion ! Et pourtant la commission des collectes assurait vouloir “respecter les genres littéraires et les fonctions liturgiques (collectes, offertoire, postcommunion)”. La postcommunion du 2e dimanche de l’Avent dit ceci : Rassasiés de cet aliment de nourriture spirituelle, suppliants, Seigneur, nous te prions de nous apprendre, par la participation à ce mystère, à mépriser les choses de la terre et à aimer les choses du ciel…. La fin a été transformée et dit ceci : apprends nous le vrai sens des choses de ce monde et l’amour des biens éternels…. L’amour toujours, mais lequel ? Et surtout ce type de formule, une idée en l’air aurait dit Claude Tresmontant, comme notre époque s’en gargarise si souvent et depuis trop longtemps, car, qu’est-ce que le vrai sens des choses, pourquoi changer la phrase : Seigneur, nous te prions de nous apprendre, par la participation à ce mystère, à mépriser les choses de la terre et à aimer les choses du ciel, par apprends nous le vrai sens des choses de la terre et à aimer les choses du ciel ? Le missel de 1970 abonde d’approximations dans la doctrine auxquels viennent s’ajouter des traductions en français d’une grande indigence ou d’une grande idéologie, on choisira ce qui parait le plus à propos. « La suppression de l’opposition entre la recherche des choses de la terre et la recherche de celles du ciel est systématique dans toute la néo-liturgie, alors que cette opposition est omniprésente dans la liturgie traditionnelle, et dans la spiritualité traditionnelle, parce qu’elle est omniprésente dans les évangiles et dans les épîtres15. » Ainsi, ce qui était vrai pour les générations passées ne l’était plus tout à fait16
De nos jours
Lauren Pristas dénonce le saccage de l’ancienne liturgie par les réformistes et l’idéologie qui l’a guidée. Elle montre que « chaque nuance des collectes de l’Avent de 1962 exprime sans ambiguïté cette doctrine catholique de la grâce, à la manière assez subtile et non didactique propre aux oraisons. Bien que les collectes de l’Avent de 1970 ne contredisent pas explicitement l’enseignement catholique sur la grâce, elles ne l’expriment pas et, plus inquiétant, elles ne semblent pas l’assumer. La question délicate est de savoir comment résumer cela équitablement, car, vu que les collectes de l’Avent de 1970 ne peuvent pas être légitimement comprises ou interprétées d’une manière incompatible avec la vérité catholique, il faut néanmoins reconnaître qu’elles sont susceptibles d’être mal comprises par ceux qui ne sont pas suffisamment instruits de la vérité catholique. » L’influence du pélagianisme est omniprésente. Dans le même temps que la réforme conduite par Bugnini, Paul VI abondait dans le sens de son ministre et de cette commission et abolissait d’un revers de manche cinq des six ordres traditionnels menant à l’ordination sacerdotale (portier, lecteur, exorciste et acolyte et sous-diacre). Puisque la société se sécularisait, il fallait séculariser la religion. Quinze siècles de tradition biffés en quelques minutes (la liste des ordres se trouve dans l’oraison du Vendredi Saint du Ve siècle). De même, on a supprimé la Septuagésime, les Quatre-Temps… Paul VI avait le 17 février 1966 écrit une constitution apostolique, Pænitemini, expliquant que le jeûne n’était pas que le jeûne physique, qu’il pouvait être remplacé par des actes de charité ! Chacun se souvient de Matthieu (17, 21), Mais ce genre de démon n’est chassé que par la prière et le jeûne, et il est évident, ou en tout cas cela l’a été depuis 2000 ans, que le Christ parle de jeûnes physiques qui ne peuvent justement pas être remplacés par des jeûnes différents… Le mercredi des Cendres dû son salut de justesse au pape mécontent qu’on ait supprimé la Septuagésime… L’enseignement sur les Fins dernières devint optionnel, et comme tout ce qui était optionnel et n’allait pas dans le sens de la réforme, il disparut dans les oubliettes de l’histoire. Depuis une décennie au moins, la société commençait de se défaire, l’Église au lieu de rester une loupiote pour ce monde désolé préféra rejeter ses fondations plutôt que de les affirmer. Le monde et l’Église, comme l’a décrit Gustave Thibon, avaient la même ambition, celle d’être dans le vent, comme une feuille morte.
La fronde se leva. Elle prit de nombreuses formes, elle commit des erreurs, certains se dédirent, il y eut des trahisons, la plupart se sentaient désemparés. L’esprit de la réforme soufflait partout et avait tout transformé, de fond en comble, non seulement la liturgie, l’office divin, mais aussi les sacrements, révisés de fond en comble et là encore pas pour le meilleur, tout, absolument tout ! Les prêtres n’étaient plus identifiables, d’ailleurs plus rien n’était identifiable, tout était flou, on n’était plus sûr de rien. Les églises qui avaient déjà bien commencé à se vider se vidèrent complètement. On avait tellement pensé cette réforme qu’on n’avait pas pensé aux fidèles ou alors comme à des sortes d’entités indifférenciées devant suivre l’Église dans toutes ses turpitudes… La désertion des églises se confirma et s’intensifia. Presque tout ce qui avait été prévu par les réformateurs ne se produisit pas. Après des décennies de tumultes, le bien-aimé pape Benoit XVI publia son motu proprio, Summorum Pontificum, qui devait permettre de donner une plus grande place au rite traditionnel, appelé extraordinaire, ce qu’il est véritablement, dans les diocèses. Dire qu’il fut très peu suivi par l’ensemble des évêques est un euphémisme. Dans l’Église qui voyait les gens plus ou moins avancés en âge arrêter d’être catholiques les uns après les autres, le motu proprio du pape allemand permit de voir que l’Église pouvait rester jeune. Comme l’idéologie progressiste était encore dans toutes les têtes et dans certains cœurs, cela fut caché le plus possible. Les évêques s’employèrent à enfouir ce motu proprio rétrograde. On trouve encore des prêtres de nos jours pour honnir l’action du pontife ! Depuis la fin du Concile, on pouvait se satisfaire de quelques personnalités âgées, ainsi de Josemaría Escrivá, à qui on accordait la grâce d’utiliser l’ancien rite (Confer. L’indult Agatha Christie17), mais que des jeunes s’adonnent à l’usus antiquior s’en était trop pour être toléré ! Les fruits de la réforme ne correspondaient pas à ce que les experts avaient prévu. En dix ans, de 2007 date de la promulgation de Summorum Pontificum à 2017, le nombre de cultes traditionnels avait doublé dans le monde (sans compter l’expansion de la Fraternité Saint-Pie X) ! Et sans aucune aide sur le terrain par les tenants de l’institution, les évêques. La Pastorale et le synodal pour tout le monde sauf pour l’ancien. Le compte était bon, à peu près 5 % des fidèles français, à la moyenne d’âge très jeune fournissant entre 15 et 20 % des prêtres français ! Demandez à un prêtre diocésain encore autorisé à célébrer dans les deux formes ce qu’il en pense. Il vous dira toujours la même chose : les fruits de la messe tridentine sont sans équivalents. Et depuis Traditionis custodes, les séminaires des Fraternités Saint-Pierre et Saint-Pie-X débordent avec chacun plus de cent séminaristes. C’est un peu comme si le motu proprio avait créé le contraire (une fois de plus !) de son intention. Le Pèlerinage de Chartres a dû fermer ses inscriptions et avec 16 000 participants n’a jamais connu un tel succès que cette année ! Encore omet-on innocemment les 5000 pèlerins de la Fraternité Saint Pie X. Cela ne parait pas beaucoup comparé au nombre de Français ? Qui marche encore 100 kilomètres en trois jours pour sa foi de nos jours ? On peut noter ici le désir des jeunes catholiques assidus à la messe traditionnel, ils sont aussi assidus à rénover leur vie avec l’Evangile ! A l’heure, où il est courant d’entendre des gens s’afficher dans les médias en déclarant par exemple : « Je suis catholique et je suis pour l’avortement. », c’est-à-dire des gens qui suivent leur propre morale ou, plus exactement, la morale de leur temps et qui pensent que c’est cela, être catholique !
Apparu une attitude visible dans toutes les révolutions à travers le monde, quand l’utopie qui a suscité la mise en place de la révolution se heurte à la réalité. L’attitude se durcit immanquablement. Tous ceux qui louaient les supposés fruits de la réforme sans voir qu’elle n’avait fait qu’accélérer la déroute en rase campagne de l’Église de Dieu, se durcirent. Ourdi par des hommes du Vatican, par des prêtres, par l’université Saint-Anselme à Rome, véritable repère de progressistes en tout genre dont on évitera de relater comment il traitait Benoit XVI avant et même après son élection, ils attendaient tapis de pouvoir sortir de l’ombre dans laquelle les avait poussé Summorum Pontificum. Ils sortirent à la lumière quand le pape François fut élu et ils réussirent à le « conseiller ». Leur héraut, Andrea Grillo, a écrit le contenu du motu proprio du pape François dans de multiples articles plusieurs années avant que le motu proprio ne fut officiel. Personne parmi les gens connaissant les manigances des liturgistes progressistes qui composent l’université pontificale de Saint-Anselme n’a été étonné par la teneur du motu proprio de François agitant et le fouet et le bâton pour chasser du temple les « tradis », appellation — étiquetage serait plus approprié, souvent pratiqué par des prêtres qui ne connaissent les amoureux de la messe tridentine que par les heures qu’ils passent sur Internet — permettant de faire un grand sac de profils de vie extraordinairement divers. Le soufflet fut violent, pour les fidèles attachés à la messe romaine traditionnelle, mais aussi pour l’humble serviteur de la vigne qu’était Benoit XVI. Mais que sont ces considérations face à la révolution qui doit passer ? Le pape émérite qui avait redonné la paix aux fidèles se voyait reprocher d’avoir agi malproprement, et l’on se réjouissait que cela fût corrigé18. Il est facile de se renseigner sur Andrea Grillo et de noter que dans ses ouvrages, il a pu se différencier considérablement de la loi de l’Église. À tel point qu’il déclara que la transsubstantiation n’était pas un dogme. Mais beaucoup de dogmes, et parmi les plus importants, les plus élémentaires, les plus décisifs, ne sont pas écrits. Andrea Grillo affirmait ainsi qu’il était anormal qu’il y ait deux formes du rite…Pour un professeur de liturgie, on aimerait lui dire que cela a existé de tout temps et spécialement du temps de saint Pie V qui, lorsqu’il publia son missel romain, n’avait pas autorisé les anciens missels dès lors qu’ils avaient plus de deux cents ans d’existence, mais qui interdisait à ces derniers de changer car leur légitimité était enracinée ! Paul VI agira exactement de manière inverse et s’octroiera le pouvoir d’interdir l’ancienne messe, la messe de tous les saints depuis presque 2000 ans ! Qu’avait-il besoin d’interdire le rite tridentin ? Croyait-il vraiment au bien fondé de son action ? Que n’a-t-il laissé les deux rites évoluer parallèlement comme saint Pie V ? Et d’ailleurs, n’existe-t-il pas un rite « extraordinaire » du rite romain pour le Zaïre, entériné par le pape François lui-même. Un autre exemple est donné par la forme anglo-catholique du rite romain, le missel « Divine worship »19, ce dernier ayant de nombreux points communs avec le missel tridentin. Nous voyons dans l’action répétée des réformateurs que leur mode d’action repose sur l’autoritarisme. Il en a été ainsi il y a cinquante ans, il en est de même avec leurs enfants ou leurs héritiers, comme on voudra. Le professeur Grillo qui ferraille dans la presse, sorte de bras armé du pape François et du cardinal Roche, défend et revendique Traditionis custodes (titre qui ajoute l’insulte à l’injure d’une certaine façon) avec quiconque émet un doute sur la validité du dit-motu proprio 20 Il a ferraillé avec Dom Alcuin, et avec Dom Pateau, père Abbé de l’abbaye bénédictine de Fontgombault. Dans sa réponse à l’entretien que Dom Pateau avait donné à Famille chrétienne21, Grillo retoquait le révérend père ainsi : « Ce que François demande, avec Traditionis custodes, c’est de construire des ponts “entre les personnes”dans l’unique rite commun ordinaire, et non “des ponts entre deux formes du rite romain”. » Le révérend père de Fontgombault lui répondit en commençant sa missive par : « De fait la liturgie est le lieu par excellence pour édifier des ponts : pont avec le Christ afin de retrouver en lui tous les membres du peuple de Dieu. » Cinquante années de batailles rangées résumées en une phrase. D’un côté, la volonté de trouver les solutions ici-bas par soi-même d’une manière horizontale et de l’autre la compréhension que nous devons tout à la grâce de Dieu et que tout doit nous ramener à cette grâce ! D’un côté une herméneutique de la rupture et de l’autre l’herméneutique de la continuité, chère au pape Benoît XVI22. D’un côté la façon pélagienne qui sied si bien au monde moderne, de l’autre côté, la manière catholique, toute catholique, respectant toute l’histoire de l’Église et toute sa tradition. Cette bataille ne fait que commencer.
Article écrit le Vendredi de Quatre-Temps de Pentecôte.23
- Je n’emploie pas à escient l’intitulé messe de Saint Pie V ou celui de messe tridentine, car l’un et l’autre tendent à faire croire que saint Pie V a créé une messe, ce qui est faux, il n’y a pas de messe de saint Pie V. Il y a la messe romaine traditionnelle dont le missel romain pré-existait au moins cent ans plus tôt que le concile de Trente. Et ce missel s’apparentait aux missels romains précédents. L’essentiel de l’ordo missae date d’au moins saint Grégoire le Grand. ↩
- Bref examen critique du nouvel ordo missae. Editions Renaissance. ↩
- La messe de Vatican II. Dossier historique. Claude Barthe. Editions Via Romana. Ce blogue et donc cet article doivent beaucoup aux livres de l’abbé Barthe que je ne saurai trop recommander. ↩
- La messe de Vatican II. Dossier historique. Claude Barthe. Editions Via Romana. ↩
- Discours de saint Paul VI. ↩
- Yves Daoudal. Notules sur un concile. Les commentaires d’Yves Daoudal au sujet de Vatican II, de l’Église catholique ou byzantine sont toujours une mine d’or. Cet article n’existerait pas sans son travail. ↩
- Blaise Pascal in Oeuvres Complètes : « Rien suivant la seule raison n’est juste en soit, tout branle avec le temps. La coutume est toute l’équité, par cette seule raison qu’elle est reçue. » ↩
- Par un moine de Fontgombault. Une histoire de la messe. Editions La Nef. Remercions un moine de Fontgombault pour ce livre raffiné et précieux. ↩
- La messe de Vatican II. Dossier historique. Claude Barthe. Editions Via Romana. ↩
- Par un moine de Fontgombault. Une histoire de la messe. Editions La Nef. ↩
- 1 Corinthiens 11,28 : « Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange de ce pain et boive de ce calice. Car celui qui mange et boit indignement, sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit son propre jugement. » ↩
- La messe de Vatican II. Dossier historique. Claude Barthe. Editions Via Romana. ↩
- Yves Daoudal. Il y a cinquante ans ↩
- Monastère Saint Benoit ↩
- Yves Daoudal. Il y a cinquante ans ↩
- En regard d’une citation du motu proprio de Benoit XVI, Summorum Pontificum : Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous. ↩
- Indult Agatha Christie. ↩
- Le nombre d’évêques ou de prêtres qui exhibent leur animosité envers le défunt pape émérite surprend toujours. Les mêmes prêtres ou évêques qui se satisfont de la médiocrité de leur liturgie et qui n’ont jamais vu l’opportunité offerte par Summorum Pontificum de voir plus loin que le bout de leur nez. L’aveu d’échec du professeur Denis Crouan, éminent spécialiste aussi bien en théologie qu’en musicologie sacrée aurait dû provoquer un séisme dans le monde francophone et pas que, il n’en fut rien, ou presque. Dont acte. On peut suivre à présent le professeur Crouan sur l’excellent site belgicatho. ↩
- Sedes sapientiae n° 163. Gabriel Diaz-Patri. L’unicité du rite romain au regard de l’histoire. ↩
- Ce que révèle père Réginald-Marie Rivoire, de la Fraternité Saint-Vincent Ferrier dans une étude passionnante et fouillée paru dans le recueil de textes, Spiritu Ferventes. ↩
- Famille chrétienne ↩
- Cf. Ce discours à Curie, ou cette merveilleuse conférence à Fontgombault, pleine d’ontuosité aurait dit Dom Guéranger. ↩
- Yves Daoudal dans son texte, Il y a cinquante ans, raconte l’anecdote suivante : « Il paraît que ce fut un choc aussi pour… Paul VI, à en croire le cardinal Jacques Martin, qui raconta plusieurs fois l’anecdote. Le lendemain de la Pentecôte de 1970, Mgr Martin, alors préfet de la Maison pontificale, avait préparé comme chaque matin les ornements pour la messe du pape. Lorsque Paul VI vit les ornements verts il lui dit : « Mais ce sont des ornements rouges, aujourd’hui, c’est le lundi de Pentecôte, c’est l’octave de la Pentecôte ! ». Mgr Martin lui répondit : « Mais, Très Saint Père, il n’y a plus d’octave de la Pentecôte ! » Paul VI : « Comment, il n’y a plus d’octave de la Pentecôte ? Et qui a décidé cela ? » Mgr Martin : « C’est vous, Très Saint Père, qui avez signé sa suppression. » ↩
En savoir plus sur Blogue d'Emmanuel L. Di Rossetti
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
1 – Le Pape Saint Pie V
a confirmé (1570)
les rits liturgiques
existants dans la Sainte Eglise.
Ces rits sont formellement autorisés :
* A perpétuité ;
* Sans condition ;
* Pour tout Prêtre Catholique ;
Et donc :
* pour les fidèles.
PERSONNE,
* n’a le Droit,
* ni le Pouvoir,
de les interdire,
ou (de tenter) d’en limiter l’usage.
Dont acte.
2 – Un Nouveau Rit
(“Novus Ordo Missae” – N.O.M.)
est promulgué
en avril 1969,
(entrée en vigueur:
décembre 1970).
De fait,
ce Nouveau Rit (N.O.M.)
est,
depuis,
abondamment contesté.
En particulier,
dès l’origine :
* le Cardinal OTTAVIANI,
Préfet du Saint Office,
signe,
ès qualité,
le 13 septembre 1969,
le
“Bref Examen Critique du N.O.M.”,
qui affirme, notamment :
* “Le Novus Ordo Missae (…)
s’éloigne de facon impressionnante,
dans l’ensemble,
comme dans le détail
de la théologie catholique
de la sainte messe,
telle qu’elle a été formulée
à la XXIIème session
du
Concile de Trente,
lequel,
en fixant définitivement
les “canons” du rite,
éleva une barrière infranchissable
contre toute hérésie
qui pourrait porter atteinte
à l’intégrité du Mystère. »
Source :
https://renaissancecatholique.fr/boutique/produit/bref-examen-critique-du-nouvel-ordo-missae-reedition-2023/
Une telle contestation théologique
est
inédite
dans l’histoire
de l’Eglise.
Dont acte.
3 – Pour les Prêtres
et
les fidèles,
choisir exclusivement
les Rits confirmés
par le
Pape Saint Pie V,
est parfaitement :
* légitime,
et
* catholique.
Dont acte.-
…
Petite remarque : au paragraphe “Les réformateurs à l’œuvre”, lignes 6-7, on lit : “(…) Vatican II a mis fin à la messe en latin, à la célébration dos au peuple, et à la communion dans la main”. Il me semble qu’il faut lire : “à la communion dans la bouche”…
Merci Monsieur.
Ottaviani pour Paul VI, Canali pour Jean XXIII.
Il vous manque quelques infos : dans ses Mémoires, le RP Bouyer, ancien protestant, devenu catholique, et oratorien, membre de la commission de réforme liturgique, et ami de Paul VI, raconte qu’après la promulgation du N.O.M., il eût l’occasion de retrouver le pape dans ses appartements, pour une discussion privée. Comme l’attitude de bugnini l’avait particulièrement étonné, il s’en ouvrit à Paul VI. Bilan, ce sinistre venait voir les éminents liturges en leur annonçant une nouveauté : après présentation, toute la commission s’exclamait “ce n’est pas possible d’accepter une chose pareille”. Bugnini leur disait alors “Ah, mais le pape y tient beaucoup.” Ensuite il allait présenter la même nouveauté à Paul VI qui répondait comme les membres de la commission, et le sinistre lui répondait “Ah mais les membres sont unanimes pour défendre cela.”
Après cet échange, qui manifesta que le N.O.M. est essentiellement un mensonge, Bugnini, au lieu d’être réduit à l’état laïc, fut envoyé-expédié comme nonce apostolique en Iran…
Je vous remercie, Monsieur, pour ces précisions.
Contrairement à une légende tenace, l’esprit du Concile existe, non seulement au coeur de l’anthropologie chrétienne personnaliste, de l’ecclésiologie catholique oecuméniste, de la pneumatologie chrétienne inclusiviste et de la politologie catholique intégraliste que nous devons notamment, respectivement, à Mounier, à Congar, à Rahner et à Maritain, mais aussi au sein d’au moins quatre textes du Concile, qui ne sont pas sans rapports avec les courants de pensée ci-dessus mentionnés, puisqu’il s’agit de Dignitatis humanae, d’Unitatis redintegratio, de Nostra aetate et de Gaudium et spes.
L’esprit du Concile est un esprit de conciliation chimérique avec la conception humaniste libérale de l’homme de ce temps, avec la conception protestante libérale de l’unité entre les chrétiens, avec la conception humaniste agnostique des religions non chrétiennes et avec la conception humaniste onusienne du monde de ce temps, d’où ces deux expressions de Paul VI : “le culte de l’homme” et “notre nouvel humanisme”.
En d’autres termes, au Concile et après lui, l’esprit du Concile ne se manifeste pas avant tout ni seulement en matière liturgique, mais se manifeste avant tout en matière doctrinalo-pastorale, en direction de l’environnement extérieur de l’Eglise, sous couvert de “dialogue” et en vue d’une “unité” plus ou moins imprécise, imprudente et indéfinie, entre les diverses confessions chrétiennes, entre les diverses religions, et entre tous les diverses conceptions de l’homme et du monde contemporains.
Votre analyse est précise, et Dieu sait qu’il est difficile de préciser quelque chose dans le Concile Vatican II, et pertinente.
C’est la conception d’après laquelle le Concile fonctionne avant tout à l’hérésie qui constitue l’une des conceptions les moins favorables à la compréhension de ce que les experts et les pères du Concile ont vraiment voulu faire, alors que la conception selon laquelle le Concile fonctionne avant tout à l’utopie est bien plus profitable à la compréhension de toute une ambiance, de toute un culture et de toute une époque.
Pour le cas où la notion d’esprit du Concile serait jugée contestable ou ne serait pas jugée explicite, il est toujours possible de la remplacer par la notion de mentalité conciliaire, qui est fréquemment caractérisée par un parti pris de bienveillance presque systematique, extravagant sinon obsessionnel, au bénéfice des confessions chrétiennes non catholiques, des religions non chrétiennes, et de bien des conceptions et des conduites humaines inspirées par l’esprit du monde de ce temps.
Cette mentalité conciliaire est reconnaissable au coeur des expressions, mais aussi et peut-être même surtout au sein des omissions auxquelles recourent bien des hommes d’Eglise, qui utilisent assez souvent “l’enseignement de l’ignorance” pour que les fidèles soient maintenus dans la non connaissance de ce que sont vraiment les confessions chrétiennes non catholiques, les religions non chrétiennes, ainsi que ce qui est culturellement et sociétalement correct, du point de vue surnatuel et théologal le plus orthodoxe et réaliste qui soit, dans l’acception thomiste de chacun de ces termes.
Un autre problème posé par la réforme bugninio-montinienne de la liturgie romaine est le problème suivant : cette réforme est incroyablement datée, à l’intérieur de l’histoire du mouvement liturgique, en général, et à l’intérieur de l’histoire du détournement de finalité du mouvement liturgique, en particulier.
En gros, de même que le Concile Vatican est le Concile du beau milieu, consensualiste et optimiste, des Trente glorieuses, de même la réforme de la liturgie est la réforme du chant du cygne, plus contestataire et plus pessimiste, des Trente glorieuses, dans un contexte de sur-sollicitation du changement des lectures et des prières, et de sur-utilisation puis de sur-valorisation de la créativité des équipes d’animation liturgique, qui a fait énormement de mal aux communautés catholiques, notamment et surtout en Occident.
Nul ne peut s’y retrouver, à l’intérieur d’un dispositif qui donne l’impression de changer presque tout, presque partout, presque tout le temps, or c’est exactement cette impression qui a été suscitée par la mise en oeuvre de la réforme de la liturgie, pendant au moins vingt ans, c’est-à-dire de l’année 1969 à la fin de la dixième année complète du pontificat de Jean-Paul II.