Et par saint Antoine… (Décès du général Antoine Lecerf)

Antoine n’est plus. Il est parti le Vendredi saint. Le 22 avril 2011. Il est dans la maison du Père. Antoine, c’est Antoine Lecerf. Le général de corps d’armée Antoine Lecerf. Un maître de guerre. Un brillant meneur d’hommes. L’un des hommes les plus extraordinaires que j’ai connu.

Lorsque vous rencontriez Antoine Lecerf la première fois, il y avait cette franche et ferme poignée de main, mais il y avait immédiatement autre chose ; quelque chose qui relevait du charisme. Antoine Lecerf aurait charmé des serpents. Il vous serrait la main et immédiatement il y avait envoûtement. Il voulait tout de suite savoir si vous étiez avec lui, si vous étiez prêt, si vous adhériez à son projet. Quel projet ? Il en avait un nouveau toutes les cinq minutes. Et il n’en laissait tomber aucun. Il pensait vite, mais son amitié durait longtemps. Il voulait savoir si vous étiez avec lui et il avait un moyen infaillible de le savoir : il vous serrait la main, il la gardait, son visage s’approchait du votre, il venait à votre rencontre, il voulait savoir. Il vous serrait la main, il la gardait, son visage s’approchait du votre et il plissait un peu sa paupière gauche comme pour améliorer son acuité visuelle, comme pour être bien sûr de ce qu’il allait voir, de ce que vous alliez lui dévoiler. Son oeil plissé, ce regard pénétrant venait chercher quelque chose. Il cherchait cette petite flamme. Il voulait savoir si vous aussi vous étiez animé. Antoine Lecerf ne frayait qu’avec des gens animés. Rien ne l’intéressait plus que de savoir si vous aussi vous l’étiez, ou même à un degré moindre si vous pouviez l’être (ce qui suffisait à le contenter, car le potentiel avait une valeur toute particulière pour lui). Antoine Lecerf vous choisissait. Et rien n’était moins le fruit du hasard.

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Émotion à Notre-Dame du Lys

C’est une très belle émotion que toute l’assistance de fidèles de Notre-Dame du Lys a ressentie ce matin à la sainte messe de 11h15. Une délégation de chrétiens irakiens de Bagdad était présente ainsi qu’un prêtre irakien qui a eu des mots simples et touchants pour témoigner du massacre du mois d’octobre dernier dans la cathédrale de Bagdad. Le rappel des faits par l’un des témoins de ce carnage a transporté l’assemblée pendant quelques secondes dans un profond recueillement. Les jeunes irakiens présents ont suivi la messe de rite extraordinaire avec ferveur et recueillement. Le beau sermon de l’abbé Charles Fazilleau a été traduit en arabe de manière à ce que les irakiens puissent retenir les leçons de ce dimanche de la Passion.

À la sortie de la chapelle, les sourires et les poignées de main échangés avec ces jeunes hommes d’Orient déjà tant éprouvés dans leur foi ont été un moment émouvant et joyeux. Bien au-delà de la barrière de la langue, une joie infinie transparaissait dans les regards. La joie d’être vivant en le Christ.

Faute d’origine

Malgré les doutes de Shûsaku Endo quant à la vraie christianité des Japonais évoquée dans l’admirable « Silence », il m’apparaît aussi que le Japonais a un vrai point commun fondamental avec le chrétien dans la facilité qu’il a à se mettre à la place de l’autre. N’est-ce pas là l’un des socles fondateurs du christianisme, l’un de ces archétypes du Discours sur la Montage, que de toujours penser que notre effort n’a pas été assez important, assez prononcé, pour que l’entente émerge ? Je vois bien sûr la faiblesse du raisonnement : le Japonais essaie inlassablement de se mettre à la place de l’autre culturellement ; il désire aussi mieux se faire comprendre ; il ne connaît pas la culpabilité, mais la honte… Le chrétien doit se mettre à la place de l’autre parce qu’il pense que la faute vient de lui, ce qui ne veut pas dire qu’il a commis la faute, mais plutôt que le manque d’attention à l’autre l’a poussé à ne pas assez travailler à prévenir la faute.

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Pardonnez, il en restera toujours quelque chose…

Dans cette petite réflexion sur le pardon, je voulais juste revenir sur l’insuffisance de dire pardon. Pardonner est quelquefois d’une difficulté extrême. J’avoue garder encore quelques rancoeurs au fond de mon coeur. Je n’ai de cesse de les confesser et de demander un peu de grâce pour attendrir la dureté de mon coeur, mais non, rien n’y fait vraiment, et j’ai plutôt appris à vivre avec cette dureté que j’ai malgré tout réussi à circonscrire, que je n’ai pardonné sincèrement et intimement. Pourquoi ? Pourquoi n’arrivé-je pas à réduire en poussière cette dureté de coeur ? Elle semble comme plus forte que moi et cela m’inquiète, je ne saurais le cacher.

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Revue de livres sur le Japon

Je viens de finir de lire « Le Masque du Samourai », un essai de Aude Fieschi (Éditions Philippe Picquier). C’est un livre didactique, bien écrit, qui présente les différentes facettes du Samourai à travers le Moyen-Age japonais jusqu’à sa déchéance avec l’avènement du Japon moderne.

Emmanuel Todd ou la vulgarité intellectuelle

Emmanuel Todd passait l’autre matin sur France Culture pour nous délivrer sa bonne parole. Emmanuel Todd est un prophète. Il en a la faconde. Il en a la prétention, surtout. Il n’en a pas l’honnêteté. En effet, on ne peut être un prophète et un idéologue.

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Hommage à Jean-Marie Domenach

En relisant des notes prises il y a des années pendant la lecture du Retour du tragique de Jean-Marie Domenach, je me souviens de notre rencontre. Je le vois arrivant dans mon petit studio de la Fourche, me demandant un verre de vin et moi, commençant à lui expliquer par le menu l’orientation que je voulais donner à notre entretien. Et lui me regardant avec des yeux ronds, s’arrondissant encore, et soudainement me lançant enthousiasmé : “Mais vous avez lu mes livres… Je n’ai pas l’habitude de rencontrer des journalistes qui ont lu mes livres”.

Cette rencontre restera comme l’une des très belles rencontres que j’ai réalisées en tant que journaliste. Nous discuterons plus de deux heures de morale et de moralisme, de Saint-Just et de Nietzsche. De Dieu aussi. De Dieu surtout.

Le chemin de Dieu passe par notre humanité…

Extraordinaire passage du Bienheureux cardinal Newman :

En péchant, en souffrant, en nous corrigeant nous-mêmes, en nous améliorant, nous avançons vers la vérité par l’expérience de l’erreur ; nous obtenons le succès à travers l’échec. Nous ne savons comment agir bien sinon après avoir mal agi. […] Nous savons ce qui est bien non de manière positive mais négative ; nous ne voyons pas la vérité d’un seul coup pour nous diriger vers elle, mais nous nous jetons sur l’erreur pour en faire l’expérience, et nous découvrons qu’elle n’est pas la vérité. […] Tel est le mécanisme par lequel nous parvenons au succès ; nous marchons vers le ciel à reculons ; nous visons de nos flèches une cible et pensons qu’il est bien adroit celui dont les ratés sont les moins nombreux.

Le souffle de Tibhirine

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C’est un film intelligent. Et en disant cela, beaucoup est déjà dit. À une époque où la bêtise règne sans partage, réaliser un film intelligent parlant de la foi permet de sortir la tête de l’eau et de gonfler les poumons ; de se rassasier. Des hommes et des dieux exemplarise la vie des moines. Que les moines du film vivent en Algérie vient en second plan à mon avis. Il vient en second plan pour esquiver le sempiternel débat du « Choc des Civilisations ». Ce débat que les gens aisés traitent par le mépris et que des gens moins bien lotis tentent de fuir au quotidien.

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