Notes sur Histoire du catholicisme

Notes à partir de Histoire du catholicisme de Jean-Pierre Moisset (chapitre 9 : Le choc de la modernité (mi-XVIIIe siècle — 1870).
p 394. Le rituel du toucher des écrouelles à l’issue du sacre, toujours pratiqué, perd de son crédit. De manière symptomatique, la formule d’imposition, la formule d’imposition des mains se transforment. Elle était « le roi te touche, Dieu te guérit » ; elle devient « le roi te touche, Dieu te guérisse ». Un autre signe de la mise à distance des certitudes anciennes et de l’émergence d’un nouveau rapport à l’autorité se trouvé dans la diffusion des pratiques contraceptives à partir du milieu du XVIIIe siècle, toujours en France.

p 395. Certes, l’érosion du modèle ce sont les lumières qui lui portent un coup fatal en redéfinissant la religion comme croyance personnelle librement consentie.
p 396. L’humanité est engagée sur la voie du progrès grâce à l’usage de la raison.

Enfermés dans une stratégie d’opposition, les papes, et avec eux l’ensemble des catholiques intransigeants, ont misé sur un hypothétique retour en chrétienté pour refermer ce qui leur apparaissait comme une sinistre parenthèse historique.

Le représentant le plus éminent des écrivains lancés dans le combat d’idées contre la religion catholique est Voltaire (1964-1778). Jugeant le catholicisme contraire à la raison et à la nature, il rédige des pamphlets, des contes, des traités, qui reprennent inlassablement ses griefs. Le pourfendeur des « superstitions » s’attaque en particulier à l’Église catholique, mais n’épargne pas les autres religions.
p 397. D’une manière générale, la métaphysique déplait à Voltaire, car les affirmations indémontrables n’engendrent à ses yeux que le fanatisme.

Cette religion qu’il appelle de ses voeux est une religion naturelle, tolérante, conforme à la raison et excluant toute révélation.

Pour Voltaire et la plupart des « philosophes », la question religieuse est une religion naturelle et tolérante, non dogmatique, fondatrice de la morale et de la citoyenneté.

La Franc-maçonnerie, née en Angleterre en 1917, qui joue également un grand rôle dans la diffusion du séisme et de la tolérance religieuse.

À une époque où le droit de se réunir et de s’associer n’est pas reconnu, la maçonnerie apparaît d’autant plus comme une entreprise subversive que ses membres sont tenus au secret.

En France par exemple, les encycliques de 1738 et de 1751 enjoignant aux catholiques de se tenir à l’écart de la franc-maçonnerie ne sont pas reçues pour cause de gallicanisme.
p 401. Dissimulé derrière le destin le pseudonyme de Justinus Febronius, il fait paraître en 1763 son retentissant De staatu Eccleia et legitima romani pontifis, dans lequel il se prononce en faveur d’un double abaissement du pouvoir du pape.

Son succès s’explique par la rencontre qu’il opère avec un sentiment d’hostilité à l’autoritarisme romain largement diffusé dans l’épiscopat allemand.

Les bulles et encycliques pontificales sont soumises au placet (en latin « il plaît ») de l’état ; les prérogatives des supérieurs étrangers sur les couvents autrichiens ont baissées.

Homme de son temps, l’empereur est hostile aux ordres contemplatifs qu’il juge superflus.
p 404. Les parlementaires gallicans et les jansénistes sont ses adversaires de longue date.
p 406. Les cours bourboniennes demandent instamment à Clément XIII la suppression des jésuites, ce qu’il refuse.
p 407. La tolérance civile qui leur est accordée, à contrecoeur, est politique donc précaire.
p 408. La nature des événements — inouïs — est en cause ; l’identité du pays l’est tout autant.
Dirigée par un roi sacré qui porte officiellement depuis le XVe siècle le titre de fils aîné de l’église en raison de l’antériorité de la conversion de Clovis sur celle des autres rois « barbares », la France est un symbole pour l’Église catholique.
p 409. Pour les sujets promus citoyens qui s’étaient exprimés dans, des cahiers de doléances, il convient surtout de réviser la situation matérielle des clercs.
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses. » (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Article 10). La situation du catholicisme français dès le mois de février 1790 : les voeux solennels sont interdits et les ordres religieux contemplatifs sont dissous.
p 410. La mesure, qui n’est pas sans rappeler un aspect du joséphisme, n’est pas le produit d’un anticatholicisme qui aurait gagné des constituants au bout de quelques mois, mais plutôt l’aboutissement d’une longue hostilité à un mode de vie jugé inutile et incantatoire à la liberté individuelle. Après tout, Louis XV avait bien supprimé les jésuites et fait réduire le nombre des couvents par la Commission des réguliers.
La constitution civile du clergé le 12 juillet 1770 n’est pas davantage le fruit d’une volonté de persécuter l’Église catholique, mais elle est pourtant à l’origine de la fracture religieuse de la France.
p 411. À l’évidence, un an après le début de la Révolution, la plupart des constituants ne sont pas anticatholiques et ne cherche pas à établir une quelconque la laïcité. Ils font triompher le gallicanisme en bâtissant une religion nationale très éloignée de Rome et placée sous contrôle étroit de l’État auquel il s’agit aussi de procurer de l’argent au cours de cette gigantesque cérémonie civique qui se tient le 14 juillet 1790, trois cents prêtres portant l’écharpe tricolore sont invités à prendre place autour de l’autel de la patrie et à participer à la célébration d’une messe en plein air. Quelques semaines plus tard, le roi promulgue à regret la constitution civile du clergé.
p 412. Il refuse avec véhémence que le catholicisme ne dispose plus du statut de religion dominante et dénonce la « liberté effrénée » indûment concédée.
En ce sens, la cassure entre l’Église et la révolution est accidentelle. En quelques semaines, l’Assemblée législative impose un nouveau serment dit de Liberté — Égalité vote l’« extinction absolue de la vie monacale », et condamne à l’exil les prêtres ayant refusé le serment. Une chasse aux suspects conduit nombre de prêtres réfractaires vers les prisons parisiennes où environ 300 d’entre eux sont massacrés du 2 au 5 septembre 1792, parmi au moins 2000 victimes, dans un déchainement de violence.
p 413. La convention nationale qui remplace la Législative en septembre 1792 proclame la République et condamne à mort le roi sacré, Louis XVI. Le soulèvement de la Vendée en mars 1793 porte les tensions à leur comble.
Son point de départ rétrospectif est la fondation de la République au lendemain de l’abolition de la royauté, soit le 22 septembre 1792.
p 414. En réalité, le calendrier révolutionnaire est une création purement idéologique et malcommode à laquelle les Français restent dans leur grande majorité imperméables.

Un palier est franchi dans cette direction avec les cultes révolutionnaires tel celui rendu à la déesse Raison à Notre-Dame de Paris et dans d’autres églises transformées pour la circonstance temples de la raison.

Un déisme d’État triomphe alors, pendant que la répression anticatholique atteint son apogée.
p 417. La Révolution française peine décidément à accoucher d’une véritable neutralité religieuse, ce que les États-Unis d’Amérique ont alors réalisé.
Un gouvernement provisoire proclame la déchéance du pouvoir temporel et la République.
p 418. Le préambule du texte reconnait que « la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande majorité des citoyens français ». Il s’agit d’un constat sociologique : l’État ne se prononce pas sur la vérité du catholicisme.
p 419. Quant aux minorités religieuses, elles bénéficient elles aussi de la reconnaissance publique, avec quelques atténuations concernant le judaïsme.

Napoleon Bonaparte permet au catholicisme de reprendre pied dans la société française, mais sans privilèges juridiques.

Si Napoléon tolère et subventionne les filles de la Charité ou les missionnaires lazaristes, c’est parce que les unes le déchargent de missions sociales et les autres sont de précieux auxiliaires de l’influence française outre-mer par leur travail d’évangélisation.
p 421. La formule « Une église libre dans un état libre » du président du conseil piémontais, le compte de Cavours (1810-1861), résume l’ambition de bâtir une société distinguant nettement le civil du religieux mais ne portant pas atteinte à l’autonomie de l’Église catholique.

En France, l’article 6 de la Charte constitutionnelle de 1814 octroyée par Louis XVIII redonne au catholicisme le statut de « religion de l’État ».

Au grand dam de l’opinion libérale, la vérité d’Église devient vérité légale de la France.

En dépit de cette relative retenue, le régime est honni par une partie de l’opinion pour son cléricalisme. Aussi entraine-t-il l’Église dans sa chute lorsqu’il est emporté par la révolution de 1830.

p 425. Le libéralisme, principal péril moderne pour le catholicisme, avance inexorablement.

Le statut de la foi religieuse lui-même est dévalorisé par la philosophie Kantienne.

Emmanuel Kant (1724-1804) était venu à séparer deux mondes : celui des phénomènes réparables et identifiables qui est le monde de la science et de l’action ; celui de Dieu qui demeure l’expression d’une raison cherchant à aller au-delà du savoir.

Les conclusions de la métaphysique et de la théologie se trouvent désormais placées en dehors de ce qui doit être reçu comme vérité.
p 426. La dignité de l’homme consiste pour Marx à s’affranchir de l’exploitation par la propriété collective, moyennant quoi la croyance religieuse doit s’éteindre d’elle-même avec la fin de l’aliénation.
p 427. En 1870, l’histoire humaine se trouve bien à l’étroit dans les six millénaires auxquels reste fidèle le Magistère, c’est-à-dire l’autorité chargée d’enseigner le contenu de la révolution, en l’occurrence le pape et les évêques. De même, les progrès accomplis par la médecine signent la fin des explications surnaturelles des maladies, souvent présentées jusque-là comme des punitions divines ou comme le résultat d’influence démoniaque.
p 428. En Allemagne, le chanoine Ignace Von Döllinger (1799-1890) est conscient du retard intellectuel catholique et de l’insuffisance des réponses autoritaires.
À partir de Munich, son enseignement se diffuse par des publications traduites dans plusieurs langues, par sa correspondance, par ses élèves, permettant de redonner un peu de lustre à une science catholique distancée.
p 429. Zola : La Terre : À quoi bon trembler et s’aplatir, acheter le pardon, puisque l’idée du Diable les faisait rire désormais, et qu’ils avaient cessé de croire le vent, la grêle, le tonnerre, aux mains d’un maître vengeur ?

La féminisation du catholicisme à l’oeuvre dans la Beauce n’a pas échappé à Zola, bon observateur des mutations de la société française.

p 430. Peu à peu, l’espoir socialiste gagne du terrain au détriment de l’espérance chrétienne. Ces derniers se lamentent de voir ainsi progresser ce qu’ils appellent le (respect humain) c’est-à-dire la crainte sur sarcasme, qui pèse en particulier sur les hommes.

La pratique commence pourtant à changer de sens. Pour ainsi dire, elle est en train de naître. Elle allait de soi dans un monde ou elle était partout une habitude ancestrale et un devoir ; elle devient au fil du XIXe siècle un acte personnel qu’une partie croissante de la population masculine choisit de ne plus accomplir. Le fait de mentalité se mue en fait d’opinion, entrainant le décrochage d’une partie des baptisés.

Devant l’accumulation des défis du siècle, l’Église catholique ne reste pas inerte. Elle est d’abord portée par un mouvement culturel qui valorise le sentiment religieux et la civilisation médiévale dont le catholicisme fut le ciment  : le romantisme. En Allemagne, la sensibilité romantique apparaît à l’extrême fin du XVIIIe siècle en réaction aux théories véhiculées par la Révolution française.

Sa conversion au catholicisme en 1805 n’est pas un fait isolé en Allemagne, mais le signe d’une attirance générationnelle pour une religion qui apparait comme un rempart contre l’individualisme, le rationalisme et le libéralisme, politique ou économique.
p 432. La cathédrale gothique couronne cette production admirable. Sa beauté redécouverte contribue à remettre à l’honneur le Moyen Âge, si méprisé au XVIIIe siècle.
La science est bel et bien le nouveau ciment culturel, en lieu et place de la religion. Pour la contrer, les ecclésiastiques sont mal outillés.
p 434. Sur le terrain social, l’Église catholique est plus entreprenante que sur celui de la recherche. En cette époque de très grande discrétion de l’État auprès des misérables, le travail concret accompli par une multitude de congrégations et d’oeuvres charitables apporte un soulagement aux nécessiteux.
p 435. Dans le quasi-désert social de l’époque, l’action de ces catholiques sociaux, conjuguée à celle de protestants telle que la loi française de 1841 limitant le travail des enfants dans les manufactures. Cependant, leurs efforts relèvent d’une inspiration traditionaliste et hiérarchique qui ne peut séduire autant les ouvriers que les promesses du socialisme.
L’évêque de Mayence y propose un traitement plus global s’attaquant aux causes de la misère. Récusant le libéralisme comme le socialisme, il préconise une auto-organisation ouvrière dans des associations ou des coopératives de consommation et de production, ainsi qu’une intervention de l’État par la législation du travail.
p 436. Cependant, l’essentiel est la prégnance d’une pensée hiérarchique justifiant les inégalités d’un ordre social « voulu par Dieu ».

Une autre pesanteur réside dans la priorité donnée au combat contre les expressions de la priorité donnée au combat contre les expressions de la modernité par attachement à un ordre ancien ou l’église disposait d’une influence sociale dominante.

Alors que les débuts de l’industrialisation et l’urbanisation accélérée transforment les sociétés européennes, le clergé reste prisonnier d’une vision du monde passéiste, excessivement sûre d’elle-même, qui l’empêche de donner une réponse moderne aux problèmes de temps. Au bout du compte, le riche réseau de congrégations, d’oeuvres et d’associations catholiques soulage avec dévouement la misère des plus démunis, mais l’institution ne produit pas un discours susceptible de rallier les populations ouvrières qui aspirent à un changement social.

Aux esprits qui ne souhaitent pas de révolution, mais simplement une émancipation progressive des individus, le clergé paraît un obstacle.
p 437. L’abbé Félicité de Lammenais (1782-1854) dote d’un programme le catholicisme libéral, avec le journal L’Avenir : liberté de conscience ; liberté d’enseignement ; liberté de presse ; liberté d’association ; extension du principe d’élection ; décentralisation.
p 438. Devant cette accumulation de menaces, Pie IX répond en 1864 par l’encyclique Quanta cura qu’accompagne en annexe le Syllabus.
p 439. À l’échelle du globe, le catholicisme est à nouveau en plein essor après accumulation d’entraves dans le second XVIIIe siècle et jusqu’en 1815 : difficultés coloniales des puissances catholiques face à l’Angleterre et aux Pays-Bas ; dissolution de la Compagnie de Jesus ; épreuves révolutionnaires et impériales. Vers 1820, les prêtres relevants de la congrégation romaine pour la Propagation de la (propagation fide) ne sont qu’un peu plus de cinq cents, mais le réveil missionnaire commence.
p 440. Le soutien efficace apporté par Grégoire XVI pendant son pontificat (1831-1846) n’est pas non plus étranger au renouveau missionnaire de la période. Le pape lutte contre le patronat portugais en Inde et prend deux initiatives novatrices qui contrastent avec son attachement à l’héritage du passé en Europe. La première est la condamnation de la traite des Noirs et du principe de l’inégalité des races (mais non de l’esclavage). La seconde est l’invitation à passer le relais à un clergé indigène sans le cantonner à des tâches subalternes, mais au contraire en le préparant à l’exercice de l’épiscopat.
p 441. Par exemple, la congrégation enseignante fondée en 1816 par le père Colin sous le nom de société de Marie est orientée par Grégoire XVI en 1836 vers la mission dans le Pacifique occidental. Des maristes s’éloignent ainsi de leur territoire d’action originel pour apporter l’Évangile dans un espace océanien qui ne l’avait pas reçu avant début du XIX siècle, étendant un peu plus l’aire catholique.

Plusieurs d’entre eux, à l’instar du théologien John Henry Newman (1801-1890), réintègrent le giron romain.

Reconstitution de la Compagnie de Jésus, par Pie VII, dès 1814.
p 442. Ce renouveau ne va pas sans difficulté, tant les héritiers des Lumières se méfient de « l’ordre monastique » ;
p 445. Le pénitent d’un ecclésiastique adepte du liquoriste n’a plus à livrer ses secrets intimes et à se présenter une deuxième fois, ou même plusieurs fois, pour recevoir enfin l’absolution différée jusque-là afin de l’amener à une véritable conversation. Il convient de faciliter sa fréquentation des sacrements, qui ne sont pas une récompense, plutôt que de le terroriser.
p 446. Par la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception en 1854, le Pape donne une dimension nouvelle à la conviction millénaire selon laquelle la mère de Jésus a été conçue sans péché.
p 448. Vatican couronne cette évolution ecclésiologique désignée sous le nom d’ultramontanisme.
Le dogme de l’infaillibilité découle de la conviction que, dans certaines circonstances, l’Église ne peut pas errer lorsqu’elle cherche à clarifier sa foi. Si son principe est communément admis par les chrétiens, son domaine d’application est très diversement apprécié. Dans la définition des pères conciliaires de 1870, il est restreint aux questions théologiques traitées par le pape ex cathedra, du haut de la claire, c’est à dire selon une procédure solennelle et. Sur le fond, ne peuvent donc du nouveau dogme les prises de position politiques et sociales, l’immense majorité des diverses déclarations pontificales ne sauraient être considérées comme non sujettes à l’erreur.
p 449. Enfermés dans une stratégie d’opposition, les papes, et avec eux l’ensemble des catholiques intransigeants, ont mis sur un hypothétique retour en chrétienté une sinistre parenthèse historique. Cette fuite en arrière a déconnecté le catholicisme des forces d’émancipation du siècle.

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