Antigone, insoumise et intime (1/7. La famille)

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1ère partie : la famille

Dès la première lecture d’Antigone, une ambiguïté s’installe dans l’esprit du lecteur. Antigone incarne-t-elle l’action ou la réaction ? Qu’est-ce qui meut Antigone ? La réaction n’existe jamais par elle-même alors que l’action n’a besoin de personne, elle se légitime dans l’acte. L’action inaugure toujours quelque chose. À la différence de ce qui est souvent dit ou cru, Antigone n’attend pas Créon pour être Antigone. À l’instar d’Electre pour la vengeance, de Nausicaa pour l’accueil, de Pénélope pour la fidélité, Antigone incarne le devoir. Elle est action, car elle sert : elle s’accomplit dans le devoir. Elle s’accomplit dans la servitude (feindrait-on d’oublier que servitude signifie « être esclave » ?). À la différence de ce qui est souvent dit ou cru, Antigone n’est jamais un individu. Elle ne se dresse jamais seule. Si la loi de Créon la pousse à l’action, et si celle-ci peut paraître une réaction, c’est seulement en surface, par simple chronologie.

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La rencontre de Péguy et de Lonsdale – Entre ciel et terre

Entre Ciel et Terre

C’est une petite merveille à laquelle nous invite Michael Lonsdale avec le spectacle Entre Ciel et Terre. Un ravissement. De telles pépites méritent toujours qu’on leur accorde de la place. Il faut faire de la place dans le tumulte, dans le cœur oppressé, dans la vie que l’on rêve et qu’on oublie de vivre. Vivre chaque instant, vivre dans la conscience de la vie. C’est si dur. C’est aussi le premier pas sur la voie feutrée de l’amour.

Pierre Fesquet, qui partage l’affiche avec Michael Lonsdale, a créé un montage poétique à partir du livre Entre ciel et terre, le livre que Michael Lonsdale a consacré à Charles Péguy. Lonsdale a une activité d’écrivain, de chantre de la beauté, aussi importante que son activité de comédien. Lonsdale s’épanouit dans la parole de Dieu. On peut dire de lui qu’il accomplit un apostolat artistique et il y a là quelque chose de suffisamment rare dans le monde contemporain de la culture pour que ce soit noté… et encouragé et loué.

En écoutant la belle voix de Michael Lonsdale, mais aussi en observant Pierre Fesquet qui se mêle à la lecture, l’augmente par son enthousiasme, sa générosité et surtout, par-dessus tout, son ingénuité, le spectacle donne la possibilité d’entrer dans l’univers de Péguy. Mais je pourrais dire autrement. Je pourrais dire qu’en se laissant pénétrer par la métaphysique de Michael Lonsdale, l’envoûtement de la langue de Péguy nous tourmente. En nous laissant surprendre par la façon qu’a Pierre Fesquet de nous alpaguer, de nous forcer à nous coltiner avec le texte et sa permanente surprise, nous nous approprions chaque mot de Péguy, mais peut-être plus important, nous sentons le vent souffler à nos oreilles, les copeaux de bois tomber sur le sol, les balles siffler toutes proches, l’Espérance nous prendre la main et la Vierge Marie nous encourager à la docilité. La grâce est là qui n’attend que notre conversion, et ce spectacle y participe d’une belle manière.
C’est au Théâtre de Poche. Et ce n’est pas anodin. Dans cette toute petite salle, nous sommes à notre aise pour accueillir un divin message.

Prolongation du 29 mars au 19 avril. Attention cette prolongation est à 19h et non pas 21h comme la première présentation de ce spectacle poétique.

Théâtre de Poche – Montparnasse
75 bd du Montparnasse, 75006 Paris
Réservations : 01 45 44 50 21
Lundi, mardi, jeudi et vendredi de 14h à 18h
Mercredi, samedi et dimanche de 11h à 18h

Le bar du Poche propose une restauration légère et sa sélection de vins avant et après chaque spectacle.

Le destin de Charlie

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« L’ennemi te limite donc te donne ta forme et te fonde ». Cette phrase de Saint-Exupéry exprime assez bien notre condition à la fin de cette première semaine de l’année 2015. L’ennemi m’oblige à évoluer selon ses codes, à l’intérieur d’un espace qu’il a circonscrit. Je suis d’abord prisonnier. Il choisit le terrain et m’astreint à y rester confiné. Des deux données humaines immuables, l’espace et le temps, il m’ôte l’espace. Ôter l’espace au temps c’est un peu ôter Laurel à Hardy. L’autre unité continue de vivre, mais elle est défigurée. Elle a perdu l’équilibre offert par l’altérité de son conjoint. Le temps n’est pas le même suivant l’espace dans lequel il évolue. La géographie accomplit le destin avec une mesure aussi précise que le sablier. Lire la suite de “Le destin de Charlie”

Il y a deux mille quatorze ans…

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Noël se résume en quatre lettres : fiat. Avant d’être un symbole industriel, c’est le mot, l’acceptation de Marie à l’ange. Cette acceptation précède toute réflexion. Elle est docilité et confiance dans l’épiphanie.

Quatre petite lettres comme un souffle mais aussi comme une attente fiévreuse. Que ta volonté soit faite ! Et que tous nos amen en soient à jamais l’écho.

Neuvaine pour la France

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Quelle belle initiative ! Une neuvaine pour la France. Une neuvaine pour dire notre amour de la Sainte Vierge et lui demander de veiller avec tous les saints sur notre beau pays. Il ne sert de rien d’éructer sur les réseaux sociaux ou sur Internet ou même dans la rue, il ne sert de rien d’éructer si nous ne demandons pas l’intercession de notre très sainte Marie pour notre pays. Si nous ne le faisons pas, si cet effort de prière ne nous est pas intime et obligatoire, alors nous n’avons que faire de la France. Nous nous gobergeons de paroles. L’intercession de la Sainte-Vierge est le moyen de recevoir suffisamment de grâces pour espérer que l’avenir de notre pays soit digne de son passé. Ne croyons jamais que notre avenir tient à la colère, à l’agitation, aux effets de manche, quoi que nous fassions, bien ou mal, l’avenir appartient aussi, avant tout, à notre prière. Ne nous croyons jamais suffisants. L’acceptation de notre faiblesse, de notre manque, de l’insuffisance justement de notre force et de notre volonté prouve que l’intercession divine est obligatoire. Cette acceptation marque notre entrée dans la neuvaine ! Sans le savoir, la docilité liée à cette acceptation, la « mise en conformité » de notre âme, nous permet d’entrer dans cette neuvaine. Laissons-nous guider quand le Seigneur n’a qu’un désir profond : celui de mener son petit troupeau. La docilité est fruit de la tendresse…

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Un jour à Pôle Emploi en 2014

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Édifiante histoire qui m’a été contée cette semaine… Bien éloignée des effets de manche de nos dirigeants sur les plateaux de télévision. Une journée à Pôle emploi pour une jeune chômeuse ayant un projet s’est très vite transformée en parcours du combattant. Lire la suite de “Un jour à Pôle Emploi en 2014”

L’humanité de Cheyenne Carron — Réflexions sur le film L’Apôtre

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Le film L’Apôtre de Cheyenne-Marie Carron

Quelle stupeur m’a envahi un matin récent en écoutant la voix d’une jeune femme auscultée par Louis Daufresne dans son émission, Le Grand Témoin, sur Radio Notre-Dame. J’allais apprendre que cette jeune femme s’appelle Cheyenne Carron. Chrétienne, elle a réalisé un film, L’Apôtre1, l’histoire d’un musulman touché par la grâce qui décide de se convertir au catholicisme et doit subir les outrages de ses proches.

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In memoriam Alvaro Mutis

C’était il y a un an. Alvaro Mutis rejoignait le ciel. L’immense écrivain colombien mérite d’être lu et relu. Ce monarchiste étincelant projetait un pont entre la vieille Europe et l’Amérique du Sud. Ses poèmes, ses récits, ses romans emportent et charrient notre histoire à travers la figure de Maqroll el Gaviero, marin solitaire, désabusé, rêvant de l’Empire de Byzance ou du règne de Saint-Louis à bord de vieux rafiots proches de sombrer.

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De la tradition…

« Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants ; nous voyons plus qu’eux, et plus loin ; non que notre regard soit perçant, ni élevée notre taille, mais nous sommes élevés, exhaussés, par leur stature gigantesque ».

Cette citation de Bernard de Chartres (XIIe siècle) trouvée dans le dernier livre de Rémi Brague, Modérément moderne (Editions Flammarion), me paraît toujours plus lumineuse chaque fois que je la lis. La tradition n’est jamais ce que les traditionalistes ou les progressistes en disent. La tradition ignore résolument les clivages. Elle ne connait même pas la confrontation. La tradition se résume à un profond sentiment d’équilibre et de sérénité. Que l’on plonge en elle, et immédiatement, nous apparaît qu’elle est inaccessible à la plupart des hommes, que rares sont ceux dont elle pourrait être fière, qu’ils étaient toujours armés d’une humilité prodigieuse. Mais tous ceux qui ont voulu la mettre en cage parce qu’ils détestaient son influence ou ceux qui ont agi de même parce qu’ils voulaient la protéger d’elle-même et la garder pour eux, n’y ont compris ou vu goutte. La tradition est inaltérable. Contrairement à une idée répandue, sa destruction s’avère impossible. Au pire, est-il possible de l’oublier. Et l’oublier ne lui fait aucun mal. Elle sait se réserver. Elle n’est jamais pressée, prise d’affolement face à son époque. Elle prend son temps, puisqu’elle l’accompagne. Si les hommes l’oublient, elle sait laisser des traces de-ci de-là afin que l’on redécouvre son existence le moment voulu.

Elle est comme l’eau : personne ne peut la casser ou la retenir.

Il faudrait presque ne pas s’y référer. Il faudrait faire comme si elle n’était pas là. Nous la méritons si peu… Elle perd tout de suite de son lustre quand on en parle, quand on la descend à notre niveau. La tradition est intrinsèquement liée à la vie ; en réalité, elles ne font qu’un. Elles vont de conserve.

A quels saints se vouer ?


L’affaire Marcial Maciel nous impose de poser la question du Mal. Notre époque évite de s’y frotter. Que savons-nous de l’œuvre du diable et que pouvons-nous faire pour nous en protéger ? Après avoir tenté d’occulter le bien de la vie, faut-il s’étonner que le mal se montre au grand jour ? Les œuvres du démon sont innombrables, mais l’Esprit-Saint peut tout, notamment les transformer.

Il fallait avoir la faconde de Léon Bloy pour affirmer : « Il n’y a qu’une seule tristesse, celle de ne pas être saint ». Cette question entêtante de la sainteté revient toujours comme une saison qui ne passe pas. Il existe beaucoup de choses dont nous pouvons nous débarrasser, mais jamais la question de la sainteté n’en fait partie. Elle nous est consubstantielle. Dès que nous voyons ou assistons à quelque chose de juste ou d’injuste, quelque chose relevant du bien ou du mal, nous cheminons sur la voie de la sainteté. Que ce soit vers elle ou contre elle. Il faut beaucoup de temps pour se rendre compte à quel point la question de la sainteté nous est consubstantielle. Nous sommes saints, nous sommes un temple, nous sommes partis de l’Église qui est sainte, nous sommes à l’image de Dieu qui est Saint, et pourtant nous nous ébrouons, nous tombons, nous peinons, nous nous évertuons… Si peu de résultats pour tant de promesses. C’est que la condition de saint demande quantité d’efforts et donne peu de résultats visibles.
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